CÉLESTE GERME
DAS PLATEAU
IL FAUT BEAUCOUP AIMER LES HOMMES
Théâtre / JEUDI 13 AVRIL 20H30  / Théâtre Saragosse
2H20 / TARIF B

Créé en 2008, le collectif Das Plateau réunit l’auteur et danseur Jacques Albert, l’architecte et metteure en scène Céleste Germe, la comédienne Maëlys Ricordeau et l’auteur-compositeur Jacob Stambach. Ensemble, ils développent une écriture scénique totale dans laquelle son, musique, espace, image, corps, présence et texte se rencontrent. Chaque discipline est envisagée en elle-même, dans son intégrité et son pouvoir sensuel spécifique. Avec Il faut beaucoup aimer les hommes, d’après Marie Darrieussecq, les artistes de Das Plateau poursuivent un travail autour de la narration et de la littérature. Ils s’emparent de ce texte brûlant et lumineux, tragédie contemporaine qui noue le drame social du racisme à la déflagration intime de la passion. Marie Darrieussecq, comme toujours, y articule la petite et la grande histoire, l’infime et l’immense, le quotidien et le tragique par l’événement microscopique et la fiction. L’espace du plateau, mouvant, sonore, cinématographique, laisse émerger le paysage mental de Solange, la jeune fille du roman Clèves (2011) devenue femme amoureuse. Entre distance et intériorité, la mise en scène conjugue les outils du cinéma, de la littérature et du théâtre pour moduler les effets de présence, la temporalité et glisser du déroulement narratif au déploiement perceptif.

IL FAUT BEAUCOUP AIMER LES HOMMES DE MARIE DARRIEUSSECQ - TEXTE PUBLIÉ CHEZ P.O.L ÉDITEUR (2013) / CONCEPTION ET ÉCRITURE DU PROJET DAS PLATEAU (JACQUES ALBERT, CÉLESTE GERME, MAËLYS RICORDEAU, JACOB STAMBACH) / MISE EN SCÈNE ET RÉALISATION CÉLESTE GERME / TEXTE ADDITIONNEL ET SCÉNARIO JACQUES ALBERT / COMPOSITION MUSICALE ET DIRECTION DU TRAVAIL SONORE JACOB STAMBACH / AVEC CYRIL GUEÏ ET MAËLYS RICORDEAU / ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE AUDREY CAVELIUS / SCÉNOGRAPHIE JAMES BRANDILY ASSISTÉ DE FANNY BEN GUIGUI / CRÉATION LUMIÈRE ET RÉGIE GÉNÉRALE OLIVIER TESSIER / CRÉATION LUMIÈRES VIDÉO ROBIN KOBRYNSKI / RÉGIE LUMIÈRE STÉPHANE LAROSE / RÉGIE SON ET IMAGE JACOB STAMBACH / CHEF OPÉRATEUR IMAGE DIEGO GOVERNATORI / MONTAGE IMAGE DAVID DAURIER / RÉGISSEUR GÉNÉRAL TOURNAGE PATRICK EPAPÉ (CAMEROUN) / ÉCRITURE ET DIRECTION DU CHŒUR ÉLISABETH WOOD (BERLIN) / ADMINISTRATION, PRODUCTION, DIFFUSION EMILIE HENIN (BUREAU FORMART) / ASSISTANAT DE PRODUCTION ESTHER KRIER (BUREAU FORMART) / CRÉDIT PHOTOS CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE
REMERCIEMENTS : THÉÂTRE NANTERRE-AMANDIERS, COMPAGNIE ASANISIMASA, FÉLICIE PAURD-MAUREL, CLÉMENCE BOUDOT, PIERRE BARIAUD, GAËL ZAKS, VALÉRY SCHATZ, ALEXANDRE PAVLATA, JULIAN EGGERICKX, LOGAN SANDRIDGE, STEPHANE EFFA, NINA, SARAH ET GERMAINE BILONG, MADELEINE MAMENDE, JEAN-JACQUES BRUMACHON, SOPHIE ALBERT, HÉLÈNE HELFER AUBRAC, JOSSELIN ROBERT, NARUNA KAPLAN
PRODUCTION DAS PLATEAU COPRODUCTION ET RÉSIDENCE : COMÉDIE DE REIMS - CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL, CNDC-THÉÂTRE OUVERT AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL D’ORLÉANS / LOIRET / CENTRE, PÔLE CULTUREL D’ALFORTVILLE, CENTRE BORIS VIAN – LES ULIS SOUTIEN EN RÉSIDENCE : LA FERME DU BUISSON – SCÈNE NATIONALE DE MARNE-LA-VALLÉE, MONTÉVIDÉO, MARSEILLE / FESTIVAL ACTORAL, LE CARREAU DU TEMPLE
AVEC L’AIDE À LA PRODUCTION DE LA DRAC ÎLE-DE-FRANCE, LA PARTICIPATION DU DICRÉAM, LE SOUTIEN DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU VAL-DE-MARNE DANS LE CADRE DE L’AIDE À LA CRÉATION, LE SOUTIEN D’ARCADI ÎLE-DE-FRANCE, LE SOUTIEN DU FONDS DE DOTATION POROSUS. CE TEXTE A REÇU L’AIDE À LA CRÉATION DU CENTRE NATIONAL DU THÉÂTRE. AUDREY CAVELIUS EST ACCUEILLIE DANS LE CADRE DE LA BOURSE DE COMPAGNONNAGE THÉÂTRAL DE LAUSANNE ET DU CANTON DE VAUD.
DAS PLATEAU EST EN RÉSIDENCE TERRORIALE AU CENTRE CULTUREL BORIS VIAN - SOUTENUE PAR LA VILLE DES ULIS, LA DRAC ILE-DE-FRANCE ET LE DÉPARTEMENT DE L’ESSONNE. DAS PLATEAU EST ARTISTE ASSOCIÉ AU CARREAU DU TEMPLE ET À LA COMÉDIE DE REIMS, ACCUEILLI EN RÉSIDENCE AU PÔLE CULTUREL D’ALFORTVILLE ET MEMBRE DU COLLECTIF DE COMPAGNIES 360.

Créé en 2008, le collectif Das Plateau réunit l’auteur et danseur Jacques Albert, l’architecte et metteure en scène Céleste Germe, la comédienne Maëlys Ricordeau et l’auteur-compositeur Jacob Stambach. Ensemble, ils développent une écriture scénique totale dans laquelle son, musique, espace, image, corps, présence et texte se rencontrent. Chaque discipline est envisagée en elle-même, dans son intégrité et son pouvoir sensuel spécifique. Avec Il faut beaucoup aimer les hommes, d’après Marie Darrieussecq, les artistes de Das Plateau poursuivent un travail autour de la narration et de la littérature. Ils s’emparent de ce texte brûlant et lumineux, tragédie contemporaine qui noue le drame social du racisme à la déflagration intime de la passion. Marie Darrieussecq, comme toujours, y articule la petite et la grande histoire, l’infime et l’immense, le quotidien et le tragique par l’événement microscopique et la fiction. L’espace du plateau, mouvant, sonore, cinématographique, laisse émerger le paysage mental de Solange, la jeune fille du roman Clèves (2011) devenue femme amoureuse. Entre distance et intériorité, la mise en scène conjugue les outils du cinéma, de la littérature et du théâtre pour moduler les effets de présence, la temporalité et glisser du déroulement narratif au déploiement perceptif.

DISTRIBUTION

IL FAUT BEAUCOUP AIMER LES HOMMES DE MARIE DARRIEUSSECQ - TEXTE PUBLIÉ CHEZ P.O.L ÉDITEUR (2013) / CONCEPTION ET ÉCRITURE DU PROJET DAS PLATEAU (JACQUES ALBERT, CÉLESTE GERME, MAËLYS RICORDEAU, JACOB STAMBACH) / MISE EN SCÈNE ET RÉALISATION CÉLESTE GERME / TEXTE ADDITIONNEL ET SCÉNARIO JACQUES ALBERT / COMPOSITION MUSICALE ET DIRECTION DU TRAVAIL SONORE JACOB STAMBACH / AVEC CYRIL GUEÏ ET MAËLYS RICORDEAU / ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE AUDREY CAVELIUS / SCÉNOGRAPHIE JAMES BRANDILY ASSISTÉ DE FANNY BEN GUIGUI / CRÉATION LUMIÈRE ET RÉGIE GÉNÉRALE OLIVIER TESSIER / CRÉATION LUMIÈRES VIDÉO ROBIN KOBRYNSKI / RÉGIE LUMIÈRE STÉPHANE LAROSE / RÉGIE SON ET IMAGE JACOB STAMBACH / CHEF OPÉRATEUR IMAGE DIEGO GOVERNATORI / MONTAGE IMAGE DAVID DAURIER / RÉGISSEUR GÉNÉRAL TOURNAGE PATRICK EPAPÉ (CAMEROUN) / ÉCRITURE ET DIRECTION DU CHŒUR ÉLISABETH WOOD (BERLIN) / ADMINISTRATION, PRODUCTION, DIFFUSION EMILIE HENIN (BUREAU FORMART) / ASSISTANAT DE PRODUCTION ESTHER KRIER (BUREAU FORMART) / CRÉDIT PHOTOS CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

REMERCIEMENTS : THÉÂTRE NANTERRE-AMANDIERS, COMPAGNIE ASANISIMASA, FÉLICIE PAURD-MAUREL, CLÉMENCE BOUDOT, PIERRE BARIAUD, GAËL ZAKS, VALÉRY SCHATZ, ALEXANDRE PAVLATA, JULIAN EGGERICKX, LOGAN SANDRIDGE, STEPHANE EFFA, NINA, SARAH ET GERMAINE BILONG, MADELEINE MAMENDE, JEAN-JACQUES BRUMACHON, SOPHIE ALBERT, HÉLÈNE HELFER AUBRAC, JOSSELIN ROBERT, NARUNA KAPLAN

PRODUCTION DAS PLATEAU COPRODUCTION ET RÉSIDENCE : COMÉDIE DE REIMS - CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL, CNDC-THÉÂTRE OUVERT AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL D’ORLÉANS / LOIRET / CENTRE, PÔLE CULTUREL D’ALFORTVILLE, CENTRE BORIS VIAN – LES ULIS SOUTIEN EN RÉSIDENCE : LA FERME DU BUISSON – SCÈNE NATIONALE DE MARNE-LA-VALLÉE, MONTÉVIDÉO, MARSEILLE / FESTIVAL ACTORAL, LE CARREAU DU TEMPLE
AVEC L’AIDE À LA PRODUCTION DE LA DRAC ÎLE-DE-FRANCE, LA PARTICIPATION DU DICRÉAM, LE SOUTIEN DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU VAL-DE-MARNE DANS LE CADRE DE L’AIDE À LA CRÉATION, LE SOUTIEN D’ARCADI ÎLE-DE-FRANCE, LE SOUTIEN DU FONDS DE DOTATION POROSUS. CE TEXTE A REÇU L’AIDE À LA CRÉATION DU CENTRE NATIONAL DU THÉÂTRE. AUDREY CAVELIUS EST ACCUEILLIE DANS LE CADRE DE LA BOURSE DE COMPAGNONNAGE THÉÂTRAL DE LAUSANNE ET DU CANTON DE VAUD.
DAS PLATEAU EST EN RÉSIDENCE TERRORIALE AU CENTRE CULTUREL BORIS VIAN - SOUTENUE PAR LA VILLE DES ULIS, LA DRAC ILE-DE-FRANCE ET LE DÉPARTEMENT DE L’ESSONNE. DAS PLATEAU EST ARTISTE ASSOCIÉ AU CARREAU DU TEMPLE ET À LA COMÉDIE DE REIMS, ACCUEILLI EN RÉSIDENCE AU PÔLE CULTUREL D’ALFORTVILLE ET MEMBRE DU COLLECTIF DE COMPAGNIES 360.

 
RENDEZ-VOUS
 

MARIE DARRIEUSSECQ
Marie Darrieussecq, écrivaine et psychanalyste, est née le 3 janvier 1969 à Bayonne et reste attachée au pays basque de son enfance. Après des études de lettres, elle enseigne à Lille avant de se consacrer à l’écriture. En 1988 elle reçoit le prix du jeune écrivain de langue française pour la nouvelle La Randonneuse. En 1996, son premier roman Truismes, qui raconte l’histoire d’une esthéticienne qui se transforme progressivement en truie, est un immense succès médiatique. Roman provocant, plein d’humour ce récit évoque La métamorphose de Franz Kafka. L’écriture de Marie Darrieussecq s’attache à décrire le corps et ses sensations. La relation mère-fille, les limites de l’identité, l’errance, la solitude, la présence de fantômes sont des thèmes fréquents dans ses romans. Le Bébé est quant à lui directement autobiographique. Prix Médicis 2013 pour son dernier roman Il faut beaucoup aimer les hommes, elle collabore à des magazines d’art contemporain en France et en Grande-Bretagne. Son oeuvre est traduite dans de nombreux pays, et plusieurs de ses romans ont été mis en scène au théâtre.

DAS PLATEAU : PARCOURS DE LA COMPAGNIE
Créé en 2008, Das Plateau réunit Jacques Albert - auteur/danseur, Céleste Germe - architecte/metteur en scène, Maëlys Ricordeau - comédienne et Jacob Stambach - auteur/compositeur. Ensemble, ils proposent des formes hybrides qui confrontent théâtre, cinéma, musique et danse contemporaine. Entre 2008 et 2010, le collectif est accueilli en résidence à Mains d’oeuvres (Saint-Ouen). Entre 2010 et 2012, Das Plateau est en compagnonnage avec Diphtong Compagnie (dir. Hubert Colas), puis en 2013, accueilli en résidence au Théâtre de Vanves. Aujourd’hui, Das Plateau est artiste associé au Carreau du Temple, fait partie du Collectif Artistique de La Comédie de Reims, est accueilli en résidence au Pôle Culturel d’Alfortville et membre du collectif de compagnies 360. Depuis sa création, Das Plateau a réalisé six spectacles et cinq performances. Les derniers projets de la compagnie (Cours les Prairies, Notre Printemps, SIG Sauer Pro, Le Bon Chemin et Dia de macho, vispera de nada) prennent pour point de départ les textes de Jacques Albert, publiés aux Editions Théâtrales. Depuis 2014, Das Plateau part à la rencontre de nouvelles écritures parmi lesquels Pablo Gisbert et Marie Darrieussecq. Depuis 2012, Das Plateau développe également un enseignement de la mise en scène et de la création dans différentes écoles supérieures d’art dramatique telles que La Manufacture à Lausanne (HETSR), l’ENSATT à Lyon, l’ESAD à Paris. Si Das Plateau développe une écriture scénique totale dans laquelle son, musique, espace, image, corps, présences et texte se rencontrent, la pluridisciplinarité mise en oeuvre répond plus à une logique de choc qu’à une logique de fusion. Chaque discipline est ainsi envisagée en elle-même, dans son intégrité et son pouvoir sensuel spécifique, et rencontre les autres sans hiérarchie prédéterminée. Les textes sur lesquels travaille le collectif (qu’ils soient écrits, ou pas, pour le théâtre) correspondent à cette volonté de créer des oeuvres qui tout en développant des univers fictionnels puissants et troubles, explorent les rapports qu’entretiennent présence et représentation, narration et abstraction, à la fois en termes de sens, de structure et de perception. C’est également dans cette pensée que Das Plateau développe depuis plusieurs années un travail cinématographique qui rencontre la scène de manière frontale.

CÉLESTE GERME (METTEUR EN SCÈNE)
Céleste Germe est metteur en scène, réalisatrice, dramaturge et architecte. En tant qu’architecte, elle a travaillé au sein de l’agence Th1-Philippe Villien et enseigné la théorie architecturale à l’École Nationale d’Architecture de Paris-Belleville. Au sein du collectif Das Plateau elle réalise la mise en scène de l’ensemble des créations, qu’elles soient scéniques, cinématographiques ou radiophoniques. En tant que dramaturge, elle travaille aux côtés du chorégraphe Éric Minh Cuong Castaing de la compagnie Shonen et participe à la création de Kaiju en 2011, de lil’dragon en 2012, de School of Moon en 2016 (spectacles danse/artnumérique présentés notamment au Centre Chorégraphique National de La Rochelle, au 104, au Centre des Arts à Enghien-les-Bains, au CDC de Toulouse et en Europe à Vienne, Lubjana, Cluj...).

Le titre du roman de Marie Darrieussecq, Il faut beaucoup aimer les hommes, s’inspire d’une citation de Marguerite Duras. Ce récit de la passion intense d’une femme blanche pour un homme noir est transposé sur scène par le collectif Das Plateau. Il y est question d’amour, de racisme et de cinéma, mais c’est aussi une découverte vibrante d’une certaine Afrique. « L’Afrique ça n’existe pas. » Le ton péremptoire appelle une explication. « L’Afrique est une fiction d’ethnologue. Il y a des Afriques. » Celui qui parle s’appelle Kouhouesso. La conversation a lieu dans une maison du quartier de Bel Air à Los Angeles. Solange, son interlocutrice, lui a dit qu’elle aimerait visiter l’Afrique. Un peu plus tôt ils ont fait l’amour. Ils sont tous les deux acteurs. Tous les deux étrangers. Solange est française. Kouhouesso canadien d’origine camerounaise. Quand un peu plus tard elle lui dit à son tour « l’Afrique ça n’existe pas », il se moque : bien sûr que l’Afrique existe. La même phrase, dans deux bouches différentes, n’a plus la même portée. Selon le contexte, l’histoire, la situation dominant-dominé, l’expérience et le savoir de celui qui l’énonce, le sens de la phrase diffère. Ainsi peut-être y a-t-il déjà une dimension théâtrale dans la situation de ce couple, Solange et Kouhouesso. C’est en tout cas le point de vue du collectif Das Plateau qui a choisi de s’emparer du roman Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq. Ils souhaitent interroger la manière dont l’histoire des peuples s’immisce à l’intérieur de l’histoire des hommes et comment discriminations, rapports de force et violences se répercutent de manière souterraine et parfois imprévisible à travers les générations. Cette collision singulière entre le singulier et le collectif, entre l’intime et le politique, entre l’historique et le géographique qui traverse l’ensemble de l’écriture de Marie Darrieussecq a profondément touché l’équipe de Das Plateau, dont l’une des préoccupations majeures consiste en la recherche d’un « tragique contemporain », comme l’explique Céleste Germe, metteuse en scène du collectif : «  Quelles sont les douleurs propres à notre époque ? Comment ausculter notre monde ? Face à la montée des populismes et à la construction d’un antagonisme raciste qui s’articule aux évènements terroristes, nous voulons tenter d’approcher la manière dont la violence de cette réalité colore nos relations, nos sentiments et nos vies ». Il faut beaucoup aimer les hommes est aussi l’histoire d’une passion amoureuse. Dans le roman, Solange passe beaucoup de temps à attendre son amant accaparé par un grand projet, l’adaptation cinématographique d’Au Coeur des Ténèbres de Joseph Conrad. Peut-être y a-t-il dans toute affaire sentimentale une dimension initiatique, une confrontation avec l’inconnu. Se pose alors la question de l’attente. Comment la décrire sans lasser, ni la réduire à l’obsession contemporaine des textos ? Si l’on considère, comme Marie Darrieussecq, que la « sainte Patronne » des femmes qui attendent, c’est Mme Bovary – même s’il y a aussi eu dans l’Antiquité, Pénélope –, force est de constater que la temporalité du XIXe siècle diffère de la nôtre. Pour autant les sentiments ont-ils tellement changé aujourd’hui ? Et ce même si on les compare avec ces jours pas si lointains où l’on attendait fébrilement la réponse à une lettre ? Le temps et en particulier celui de l’attente constitue une dynamique féconde du récit, de son rythme, de sa tension. C’est précisément sur ce terrain que Céleste Germe et Marie Darrieussecq se rejoignent. En effet ce n’est pas tant le récit en soi qui les motive l’une comme l’autre que la façon dont on donne à ressentir à la fois par des mots et par des dispositifs. « Je ne me satisfais pas d’écrire : ‘elle se sentait très angoissée’, analyse Marie Darrieussecq. Je veux le donner à sentir, voire à vivre au lecteur ou à la lectrice, avec toutes sortes de moyens, une écriture géographique, moléculaire parfois. Même si j’aime aussi beaucoup raconter des histoires ». À quoi Céleste Germe ajoute : « Le théâtre est un art du temps. Mettre en scène l’attente pose donc forcément des questions formelles passionnantes. Comment faire coexister dans le temps du théâtre, le rythme à la fois continu et elliptique, vide, répétitif et lent, propre à l’attente ? » L’amour de Solange pour Kouhouesso se double d’une découverte de l’Afrique. Une Afrique devinée depuis les collines de Los Angeles, mais aussi à travers le roman Coeur des ténèbres de Joseph Conrad, dont Kouhouesso s’apprête à tourner une adaptation. Solange n’a pas lu Conrad, ignore tout de Frantz Fanon ou de Chinua Achebe et ne s’était encore jamais intéressée au Congo ; ce Congo de Conrad qui est « quelque chose de grand et d’invincible, tel le mal ou la vérité » et qui obsède Kouhouesso parce qu’il est à la fois le cliché de l’Afrique vue par les Blancs et le symbole d’un cinéma impossible, celui du film Apocalypse now de Francis Ford Coppola. L’Afrique, comme le « couple mixte », comme la couleur noire, est un immense réservoir de lieux communs. En témoigne le fameux discours de Dakar, prononcé au début de son quinquennat par Nicolas Sarkozy, qui est en partie reproduit dans le roman. Une des réussites de l’écriture de Marie Darrieussecq dans Il faut beaucoup aimer les hommes tient précisément au fait qu’elle ne tourne jamais le dos aux clichés, mais les « soulève comme des pierres pour voir ce qui grouille dessous ». Tandis qu’elle travaillait sur son roman, elle a éprouvé la nécessité de se rendre dans cette forêt que voulait filmer son personnage. Devant la difficulté d’un voyage en solitaire dans la forêt congolaise, et sur les conseils du romancier Jean Rollin, elle a opté pour le sud du Cameroun, embauché guide et piroguier, et écrit une partie du roman là-bas. Les pages essentielles sur l’Afrique et le tournage du film donnent àIl faut beaucoup aimer les hommes toute son épaisseur et sa consistance singulière. Céleste Germe et les membres du collectif Das Plateau sont, à leur tour, partis au Cameroun sur les traces de Marie Darrieussecq. Ayant choisi d’adapter le roman à la scène et travaillant depuis longtemps sur les relations entre le théâtre et le cinéma, ils ont souhaité faire ce saut à l’intérieur du roman, aussi bien dans la densité du réel sur lequel le livre se fonde que dans la profondeur de la fiction. Ils sont partis tourner un film qui sera intégré à leur création. « Même si toute représentation est nécessairement partielle, nous avons voulu montrer les lieux du roman pour ne pas laisser l’Afrique d’Il faut beaucoup aimer les hommes dans le seul champ du fantasme, de l’imagination. Sachant que l’un des sujets fondamentaux du livre est le regard occidental sur l’Afrique, il nous a semblé indispensable de mettre en jeu notre propre regard : aller voir et en ramener la trace », dit Céleste Germe. Le film met en relation le paysage et la littérature sous forme de collage. En effet, « filmer la forêt est impossible », dit Marie Darrieussecq. Les arbres sont si hauts, tout est trop touffu ; d’une certaine façon, on ne voit rien. L’Afrique, observée à bout de nez, échappe encore. Même si elle vous traverse la peau. Kouhouesso en fait l’expérience. L’Afrique qu’il veut montrer tend à se dérober. Une autre réalité, économique celle-là, le rattrape. En Afrique, il se transforme en « patron » manipulateur confronté à son tour aux clichés. Telle est la complexité des rapports de domination ; ils s’inversent en fonction des situations. Solange l’a rejoint sur place. Elle doit jouer la Promise, la fiancée de Kurz, le héros de Coeur des ténèbres. Ce ne sont que quelques petites scènes ; la Promise est un personnage secondaire. Mais sans cette participation au film de son amant, elle n’aurait jamais eu l’occasion de le rejoindre sur le tournage. « L’Afrique est vue par une Solange qui rêve de vivre son histoire d’amour dans une bulle, sans rien ni personne qui viendrait altérer la relation duelle. La forêt n’est pour elle qu’un empêchement. Si elle pouvait la brûler pour rejoindre son homme, elle se ferait bombe et napalm. Pourtant, elle aussi, va se laisser prendre. Et dans ces pages magnifiques, plus l’équipe de tournage s’enfoncera dans la forêt, plus Solange éperdue de passion s’enfoncera dans une douleur cosmique, tellurique. Mais quelque chose de la forêt l’aide aussi à sa propre sauvegarde. Marie Darrieussecq écrit admirablement cette conductivité singulière entre la souffrance de son héroïne et la matérialité de ce monde humide et chaud. », observe Céleste Germe. Et c’est précisément ce que Das Plateau entend réaliser dans cette adaptation théâtrale : « Nous voulons à travers une plongée progressive du spectateur dans l’espace scénique lui faire éprouver ce poème ardent où émerge d’une dimension intensément physique le paysage mental d’une Solange en fusion ».
Par Hugues le Tanneur

ADAPTER MARIE DARRIEUSSECQ, LE DÉFI AMBITIEUX DU COLLECTIF DAS PLATEAU
Une femme blanche, un homme noir. L’histoire d’une passion contrariée, servie par la langue âpre de l’écrivaine française. Il faut beaucoup aimer les hommes, publié par Marie Darrieussecq en 2013, déroule la passion dévorante d’une actrice blanche pour un réalisateur noir, sur fond de jet-set hollywoodienne... Tout en laissant affleurer un autre texte, Au coeur des ténèbres, de l’écrivain bourlingueur Joseph Conrad, que l’amant s’acharne à vouloir tourner au Congo. Livre iconique — la vision d’un Occidental plongeant en 1899 dans les profondeurs d’une Afrique fantasmée —, à l’origine d’un film culte, Apocalypse now. En choisissant d’adapter un tel roman, le collectif Das Plateau — huit ans d’âge et un spectacle tous les deux ans — entend prendre en charge toute cette épaisseur. Pas facile, comme défi... Das Plateau, réunissant une architecte, un auteur, un compositeur et une comédienne, affiche d’emblée de hautes ambitions. Partition chorale tonitruante — orgue et voix —, fumigène, faisceau lumineux découpant Solange, l’actrice «  électrisée » dès sa première rencontre avec Kouhouesso, à la « tête lourde » de dreadlocks. Un décorum trop prétentieux augurant du pire. Et la première partie du spectacle achoppe sur une alternance pas toujours conciliée de récits indirects sous-tendus d’effets et de dialogues façon comédie réaliste. Des images du Cameroun d’aujourd’hui (où Kouhouesso finira par tourner) sont projetées sur les parois métalliques capitonnant l’espace : port de Douala, embouteillages, pistes, cases, auberge de brousse. Avec ses habitants filmés dans la langueur de la nuit qui tombe si vite. Solange cherche en vain Kouhouesso happé par son travail. Les deux acteurs se relaient sur scène, chacun dans leur monde, mais de plus en plus habités par la langue charnelle, désespérée, tranchante, de Darrieussecq. Lui, l’acteur noir (Cyril Gueï, énigmatique et pourtant solidement ancré, que l’on voit davantage à l’écran que sur les planches, hélas !) ; elle, l’actrice blanche (Maëlys Ricordeau, pilier du collectif), qui nous offre à la fin un moment de déréliction rare au théâtre.
Emmanuelle Bouchez, Télérama, 28 septembre 2016.

Le collectif Das Plateau s’empare d’Il faut beaucoup aimer les hommes, roman de Marie Darrieussecq ouvrant sur les champs et les contrechamps d’une histoire d’amour entre une femme blanche et un homme noir. La metteure en scène Céleste Germe nous parle de ce projet entre théâtre, littérature, musique et cinéma. « Il faut beaucoup aimer les hommes est une histoire d’amour entre une femme blanche et un homme noir. Une histoire déséquilibrée, qui se passe à Los Angeles : Solange est subjuguée par Kouhouesso, mais lui est occupé par un grand projet, adapter au cinéma Au coeur des ténèbres, de Joseph Conrad. Cette adaptation est, pour lui, un geste politique, à travers lequel il prend la parole - à Hollywood, dans cet endroit où se fabriquent les stéréotypes qui irriguent le monde - en tant qu’homme noir. Ce roman est traversé par la question du tragique contemporain, qui est une question centrale dans le travail de notre collectif. Une question qui creuse la relation entre des choses extrêmement intimes (l’amour, le couple...) et la grande Histoire qui touche, ici, à la colonisation, à l’esclavage. Ce qui revient, en explorant ce lien entre microcosme et macrocosme, à se demander comment le théâtre peut, aujourd’hui, à travers l’expression de ce rapport d’échelle, parler des douleurs et des bonheurs de notre monde. Mettre en scène le regard blanc porté sur l’Afrique Comme toujours, il y a chez nous, pour cette nouvelle création, le désir de travailler sur un grand nombre d’outils théâtraux : les mouvements scénographiques, la machinerie, le son, la musique, qui est fondamentale, la lumière, le cinéma... L’une des grandes questions du roman de Marie Darrieussecq est de caractériser le regard blanc qui est porté sur l’Afrique. Car à travers son amour, Solange découvre un monde, un continent qu’elle ignorait jusque-là complètement. Et pour nous, il était très important de mettre en scène ce regard, de faire en sorte que l’Afrique soit présente concrètement sur le plateau. Nous sommes donc allés au Cameroun, sur les pas des personnages, et avons filmé les lieux évoqués dans le roman. Il y a un rapport très fort, dans notre spectacle, entre la littérature et Les paysages. Ce qui nous a amenés, bien sûr, à questionner la ligne de tension entre ce qui est de l’ordre de la fiction et tout ce qui lui échappe : l’abstraction, les gouffres de l’absence existentielle, de la dépossession de soi, de l’appropriation de soi par l’autre... »
Manuel Piolat Soleymat, La Terrasse, 13 septembre 2016.

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