Rencontre avec Nathalie Collantès
Quelques propos en remerciement à l’équipe de « Algo sera »
Oui, le temps d’une création, d’une gestation, car il s’agit bien de cela. Le temps sera ce qu’il est appelé à être.« Algo sera », ce sera ce que ça deviendra. La pièce sera donc ce que « les interprètes en feront » et deviendra ce que la conscience aiguë du médiateur (le spectateur) voudra bien lui porter.
Dans une pièce en construction, et j’ai envie de préciser dans cette pièce-là, on ne décide pas ce qu’il adviendra des engagements de chacun. En effet, la danse, avant d’être un acte, un écrit, une pensée, traverse des résistances. Résistance d’une chorégraphe par rapport à elle-même, résistance au savoir-faire des interprètes par rapport à eux-mêmes. Résistance à la complaisance, au fond.
La danse vient au moment le plus inopportun, elle chemine et parcourt le corps, la pensée et les sentiments, à travers les perceptions des hommes et des femmes qui la construisent. L’itinéraire est parfois clair, souvent semé de doutes et d’incompréhensions.
Parfois, on se surprend à une nécessaire remise en question. La plupart du temps, c’est le contraire qui se passe : l’idée de la chorégraphie est pré-établie et les interprètes n’ont plus qu’à exécuter le programme. Ici, dans cette résistance-là, les repères sont perdus tant dans le rapport aux objets dont il faut chercher la vie, que dans la relation à autrui, perçu comme le terrain mouvant où plus rien ne trouve assise.
Ici, la question est posée des deux côtés à la fois. Côté chorégraphe : ne pas entrer dans ce qui a déjà été exploré. Côté danseurs : accepter de ne pas s’en tenir au meilleur de soi-même en flattant celui ou celle qui a la mission d’écrire la danse. Vu de loin, et avec un peu de recul, c’est le cadeau le plus essentiel que puisse offrir la danse.
Par hasard, il s’est trouvé qu’une phrase de Daniel Dobbels circulait sur les murs du Théâtre : « La danse est un art étrange où, à tout moment, il n’y aurait jamais d’endroit où tomber. » Heureuse coïncidence. Dans la construction d’un pont, le plus difficile n’est pas de bâtir chacun sur sa rive -les appuis y sont solides- mais de raccorder le tablier en plein centre du fleuve.