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Contes et légendes
Joël Pommerat
Théâtre / JEUDI 11 MAI 20H ET VENDREDI 12 MAI 19H  / Le Foirail
1H50 / TARIF A / À PARTIR DE 14 ANS

Contes et légendes est une fiction documentaire d’anticipation sur la construction de soi à l’adolescence et le mythe de la créature artificielle. Alors que son précédent spectacle, Ça ira (1) Fin de Louis (2015), plongeait aux origines de notre organisation politique à partir de la révolution de 1789, Joël Pommerat poursuit son observation des valeurs et des identités contemporaines en mettant cette fois en scène un monde légèrement futuriste dans lequel humains et robots sociaux cohabiteraient. À la manière d’un anthropologue du futur, Joël Pommerat observe une série de relations entre adolescents, adultes et androïdes. Par ce biais, il dresse le portrait d’une jeunesse traversée de désirs, de doutes et de questionnements, confiée aux soins d’androïdes éducatifs ou ménagers qui leur ressemblent à s’y méprendre. Plus qu’un énième discours sur les dangers ou les progrès de l’Intelligence Artificielle, Contes et légendes donne à éprouver les ambiguïtés de ces différents modes d’existence et de vérité à travers une constellation d’instants sensibles et drôles. La pièce, admirablement dialoguée, éclaire d’une vérité crue la complexité du rapport à soi, à ses parents, aux autres et la difficulté de se construire dans la distribution des rôles, garçon ou fille, imposée par la société. En une suite de fragments scéniques millimétrés, une succession de séquences vives, à la fois cruelles et pleines d’humour, le metteur en scène traque l’humain au cœur de l’artifice. Un spectacle d’une grande justesse et d’une force inouïe dans son apparente simplicité.

Une création théâtrale de Joël Pommerat — Distribution Prescillia Amany Kouamé, Jean-Édouard Bodziak, Elsa Bouchain, Léna Dia, Juliet Doucet, Angélique Flaugère, Lucie Grunstein, Lucie Guien, Marion Levesque, Angéline Pelandakis, Lenni Prézelin — Scénographie et lumière Éric Soyer — Recherches visuelles et création costumes Isabelle Deffin — Habillage Elise Leliard, Manon Denarié — Musique originale enregistrée par Ève Rissier, Clément Petit, Isabelle Sorling, Benjamin Bailly, Justine Metral et Hélène Maréchaux — Renfort dramaturgie Élodie Muselle — Régie plateau Jean-Pierre Costanziello, Damien Ricau, Olivier Delachavonnery, Héloïse Fizet, Pierre-Yves Le Borgne (en alternance) — Construction décors Ateliers de Nanterre - Amandiers — Construction mobilier Thomas Ramon – ARTOM — Crédit photos Elisabeth Carecchio
PRODUCTION

Production Compagnie Louis Brouillard. Coproduction Nanterre- Amandiers - Centre dramatique national, La Coursive - Scène nationale de La Rochelle, Comédie de Genève, le Festival d’Anjou, La Criée - Théâtre National Marseille, Théâtre français du Centre national des Arts du Canada - Ottawa, La Filature - Scène nationale de Mulhouse, Le Théâtre Olympia – Centre dramatique national de Tours, Espace Malraux - Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, Bonlieu - Scène nationale d’Annecy, L’Espace Jean Legendre - Théâtre de Compiègne, La Comète - Scène nationale de Châlonsen- Champagne, Le Phénix - Scène nationale de Valenciennes, L’Estive - Scène nationale de Foix et de l’Ariège, la MC2 - Scène nationale de Grenoble, Le Théâtre des Bouffes du Nord, ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie, le Théâtre National Wallonie-Bruxelles et le National Taichung Theater. / Action financée par la Région Ile-de-France. Cette création bénéficie d’une aide du Ministère de la Culture. Débandade Production La Spirale de Caroline et Mille Plateaux. / Partenaires le lieu unique (Nantes), Chorège – CDCN (Falaise), Les Subs (Lyon), le CCN de Rillieux-la-Pape - direction Yuval PICK dans le cadre du dispositif Accueil- Studio, Charleroi danse Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, La Place de la danse CDCN de Toulouse-Occitanie, Les Quinconces et L’Espal scène nationale du Mans, TAP-Théâtre Auditorium de Poitiers, Le CNDC d’Angers, le CCN de Nantes, le CCN2 Grenoble. Avec le soutien du CCN de Caen en Normandie – direction Alban Richard, du SEPT CENT QUATRE VINGT TROIS (Nantes). Avec l’aide du Conseil départemental de Loire-Atlantique et de la Région des Pays de la Loire.

Contes et légendes est une fiction documentaire d’anticipation sur la construction de soi à l’adolescence et le mythe de la créature artificielle. Alors que son précédent spectacle, Ça ira (1) Fin de Louis (2015), plongeait aux origines de notre organisation politique à partir de la révolution de 1789, Joël Pommerat poursuit son observation des valeurs et des identités contemporaines en mettant cette fois en scène un monde légèrement futuriste dans lequel humains et robots sociaux cohabiteraient. À la manière d’un anthropologue du futur, Joël Pommerat observe une série de relations entre adolescents, adultes et androïdes. Par ce biais, il dresse le portrait d’une jeunesse traversée de désirs, de doutes et de questionnements, confiée aux soins d’androïdes éducatifs ou ménagers qui leur ressemblent à s’y méprendre. Plus qu’un énième discours sur les dangers ou les progrès de l’Intelligence Artificielle, Contes et légendes donne à éprouver les ambiguïtés de ces différents modes d’existence et de vérité à travers une constellation d’instants sensibles et drôles. La pièce, admirablement dialoguée, éclaire d’une vérité crue la complexité du rapport à soi, à ses parents, aux autres et la difficulté de se construire dans la distribution des rôles, garçon ou fille, imposée par la société. En une suite de fragments scéniques millimétrés, une succession de séquences vives, à la fois cruelles et pleines d’humour, le metteur en scène traque l’humain au cœur de l’artifice. Un spectacle d’une grande justesse et d’une force inouïe dans son apparente simplicité.

DISTRIBUTION

Une création théâtrale de Joël Pommerat — Distribution Prescillia Amany Kouamé, Jean-Édouard Bodziak, Elsa Bouchain, Léna Dia, Juliet Doucet, Angélique Flaugère, Lucie Grunstein, Lucie Guien, Marion Levesque, Angéline Pelandakis, Lenni Prézelin — Scénographie et lumière Éric Soyer — Recherches visuelles et création costumes Isabelle Deffin — Habillage Elise Leliard, Manon Denarié — Musique originale enregistrée par Ève Rissier, Clément Petit, Isabelle Sorling, Benjamin Bailly, Justine Metral et Hélène Maréchaux — Renfort dramaturgie Élodie Muselle — Régie plateau Jean-Pierre Costanziello, Damien Ricau, Olivier Delachavonnery, Héloïse Fizet, Pierre-Yves Le Borgne (en alternance) — Construction décors Ateliers de Nanterre - Amandiers — Construction mobilier Thomas Ramon – ARTOM — Crédit photos Elisabeth Carecchio

   

Joël Pommerat
Joël Pommerat est né en 1963. Il est auteur-metteur en scène, et fonde la Compagnie Louis Brouillard en 1990. Joël Pommerat a la particularité de ne mettre en scène que ses propres textes. Selon lui, il n’y a pas de hiérarchie : la mise en scène et le texte s’élaborent en même temps pendant les répétitions. C’est pour cela qu’il se qualifie d’écrivain de spectacles. En 1995, il crée Pôles, premier texte artistiquement abouti à ses yeux. C’est aussi le premier à être publié en 2002. En 2004, le Théâtre National de Strasbourg accueille la création de sa pièce Au monde, premier grand succès public et critique de la compagnie. Avec la trilogie Au monde (2004), D’une seule main (2005), Les Marchands (2006), Joël Pommerat ancre plus directement ses pièces dans la réalité contemporaine et l’interrogation de nos représentations. Il aborde le réel dans ses multiples aspects, matériels, concrets et imaginaires. En 2006, Au monde, Les Marchands et Le Petit Chaperon rouge sont repris au Festival d’Avignon, où Joël Pommerat crée également Je tremble (1 et 2) en 2008. Il poursuit sa réécriture des contes avec Pinocchio en 2008 et Cendrillon en 2011. En 2010, il présente Cercles/Fictions au Théâtre des Bouffes du Nord dans un dispositif circulaire, qu’il explore à nouveau dans Ma Chambre froide l’année suivante. En 2013, il crée La Réunification des deux Corées, dans un espace bi-frontal où les spectateurs se font face. En 2015, il crée Ça ira (1) Fin de Louis, une fiction vraie inspirée de la Révolution française de 1789. En 2019, il crée Contes et légendes, une fiction documentaire d’anticipation sur la construction de soi à l’adolescence et le mythe de la créature artificielle. Depuis 2014, il mène des ateliers à la Maison Centrale d’Arles, avec des détenus de longue peine. Fin 2017, il crée Marius (d’après Marcel Pagnol) en collaboration avec Caroline Guiela Nguyen et Guillaume Lambert. En 2018, il crée également Amours composé de différentes scènes de La Réunification des deux Corées et de Cet enfant. En 2022, il présente Amours (2) à la Friche la Belle de Mai. À l’opéra, Joël Pommerat a collaboré avec Oscar Bianchi en adaptant sa pièce Grâce à mes yeux (Thanks to my eyes, Festival d’Aix-en-Provence, 2011). En 2014, il présente Au monde, mis en musique par Philippe Boesmans au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Pour le Festival d’Aix-en-Provence, en 2017, il adapte sa pièce Pinocchio pour une nouvelle collaboration avec Philippe Boesmans. En septembre 2019, à l’initiative de l’Opéra-Comique il écrit le livret et met en scène L’Inondation, inspiré et adapté de l’œuvre éponyme de Evgueni Zamiatine, sur une création musicale de Francesco Filidei. Joël Pommerat a reçu de nombreux prix pour son œuvre. Depuis ses débuts, il a été soutenu par de longs partenariats avec le Théâtre Brétigny et le Théâtre Paris-Villette. À l’invitation de Peter Brook, il a également été artiste en résidence au Théâtre des Bouffes du Nord entre 2007 et 2010. Il a ensuite été artiste associé au Théâtre National Bruxelles-Wallonie ainsi qu’à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Depuis 2014, il fait partie de l’association d’artistes de Nanterre-Amandiers. La Compagnie Louis Brouillard est également associée à la Coursive - Scène nationale de la Rochelle, à la Comédie de Genève et depuis janvier 2020 au TNP de Villeurbanne. Joël Pommerat cherche à créer un théâtre visuel, à la fois intime et spectaculaire. Il travaille sur une grande présence des comédiens et le trouble des spectateurs. Il est revenu sur sa démarche artistique dans deux ouvrages : Théâtres en présence (2007) et, avec Joëlle Gayot, Joël Pommerat, troubles (2010).
Les textes de Joël Pommerat sont édités chez Actes Sud-Papiers.

« Contes et Légendes » : l’adolescence à fleur de peau de Joël Pommerat
Joël Pommerat s’est fait désirer. Voilà quatre ans que l’artiste n’avait pas créé de grandes formes théâtrales, leur préférant des mises en scène d’opéras - « Pinocchio », « L’Inondation » - ou des spectacles plus confidentiels comme ce « Marius » monté avec des détenus de la prison des Baumettes. Pour son retour, il n’a pas frappé là où tout le monde l’attendait. Plutôt que de donner une suite à sa fresque révolutionnaire « Ça ira », le metteur en scène a voulu en revenir à ses fondamentaux et ausculter, comme il sait si bien le faire, les vies, les êtres et leurs tourments intimes.
Avec sa grammaire dramaturgique si particulière, proche de « Cet enfant » ou de « La Réunification des deux Corées », Joël Pommerat parcourt le monde adolescent sous toutes ses latitudes. Non pas celui des images d’Epinal auxquelles pourraient faire référence ces « Contes et Légendes », mais bien celle d’aujourd’hui, voire de demain. Car le dramaturge a bien compris que la construction adolescente était devenue plus complexe, faite d’injonctions contradictoires inextricables. Confrontés trop rapidement à des problèmes d’adultes dans un monde qui s’est durci, les ados du XXIe siècle ont sans doute grandi trop vite et vu leur insouciance enfantine passer par pertes et profits.
En une suite de fragments scéniques millimétrés, le metteur en scène embrasse, avec une langue simple et dure à la fois, ce grand maelström. Il dit tout de cette voie si difficile à trouver par rapport à ses parents, à soi, aux autres, de cette violence des mots, de ces amourettes gangrenées par le sexe, de ces genres, masculin et féminin, dont les codes ont été rebattus. Aux côtés de ces jeunes gens, Joël Pommerat, pourtant peu coutumier de l’anticipation, place des robots, ou plutôt des « personnes artificielles ». Leur présence vaut surtout pour l’image qu’elle renvoie, celle de parents défaillants ou absents, contraints de confier leurs progénitures à des androïdes éducatifs. Celle d’une vérité, prononcée par ces parangons de vertu électroniques, alors que les êtres de chair et d’os jouent avec les faux-semblants, brouillant les cartes de l’humanité. Ambitieuse, l’entreprise est d’une justesse sans pareille. Elle est portée par une troupe presque exclusivement féminine, où les actrices, âgées de 26 à 32 ans, en paraissent 14 tout au plus. Impeccablement dirigées, elles donnent à la pièce une crédibilité rare et une émotion ravageuse, en tout point conformes à celles des comédiens habituels de la Compagnie Louis Brouillard, et permettent à Joël Pommerat de revenir sur la scène théâtrale de la plus brillante des manières.
Vincent Bouquet, Les Echos, 10/09/2020

Troubles dans le genre et intelligence artificielle
Sur un plateau presque nu, où une lumière crue vient éclairer une semi-pénombre, deux adolescents agressent verbalement une jeune fille. Elle a 10 ans, ils en ont 12. Elle est seule, se tient à distance tout en leur tenant tête. Ils la provoquent, la traitent de « bouffonne », de « salope », font valoir une supériorité masculine et une force physique à laquelle personne ne croit, aboient comme deux chiens qui tentent de masquer leur peur. Et si la jeune fille était un robot ? En un instant, le rapport de forces se transforme et l’assurance virile des deux garçons s’effondre, laissant place à une terreur comique. On retrouvera les deux garçons dans un groupe masculiniste et homophobe, où un éducateur entraîne de jeunes hommes à faire la guerre contre la “féminisation complète, intégrale, totale de la /notre société” en traçant une frontière nette entre le masculin et le féminin. On croirait entendre les discours de certains théoriciens d’extrême-droite inquiets de voir disparaître leur suprématie. C’est ce réel-là qui est glaçant, bien qu’une potentielle prise de pouvoir par les machines.
La tendance, dans la littérature contemporaine, est aux dystopies qui dessinent une extension terrifiante et totalitaire de notre présent. Ce n’est pas le propos de Joël Pommerat, qui s’empare de la figure du robot comme un outil philosophique. Succession de scènes courtes, Contes et légendes confronte mythe de la créature artificielle et les métamorphoses d’adolescents saisis dans leur intimité. Une jeune fille se fait voler son petit ami par sa sœur, sous les yeux de son robot de compagnie. Un garçon se laisse enfermer dans un magasin pour dialoguer avec un androïde. Une femme, atteinte d’’une maladie incurable, veut acheter un robot pour son mari et ses enfants afin d’assurer le quotidien quand elle ne sera plus là. Comme les intelligences artificielles qui nous entourent déjà, enceintes connectées ou assistants vocaux, ces robots sont incapables de répondre aux questions affectives mais offrent une présence bienveillante. Peut-on avoir des sentiments pour un robot ? Qu’advient-il de lui si on efface sa mémoire ? Voulons-nous créer des êtres à notre image pour les réduire en esclavage ? La frontière entre la nature et l’artifice existe-t-elle vraiment ? Autant de questions que pose Joël Pommerat, interrogeant la transmission, l’éducation, la violence des assignations au sein de la société et de la famille.
Fidèle à son esthétique et aux micros qui vont chercher l’intériorité sans forcer les voix, Joël Pommerat signe une mise en scène sobre qui laisse toute la place au jeu des comédiens. Tous les rôles, à l’exception d’un des deux adultes, sont tenus par des jeunes femmes. Leur performance est époustouflante. Passant d’un personnage à l’autre, elles se glissent dans la peau d’un robot, d’un garçon ou d’une fille de 12 ou 15 ans. Les gestes, les attitudes sont parfaitement millimétrées, sans que rien ne soit figé. Entre inquiétude, rire et émotion, Contes et légendes fait bouger les lignes et donne matière à penser, sans jamais donner de leçon. Enthousiasmant.
Sophie Joubert, L’Humanité, 17/02/2020

Contes et légendes, Joël Pommerat
Pommerat aime les défis. Et travailler en collectif, nourrir ses créations d’improvisations sur des thèmes qu’il fixe aux comédiens en leur confiant une énorme documentation. Préparation colossale. Mais on est plus intelligent ensemble que seul. Et cette collaboration fiévreuse permet depuis vingt-cinq ans à cet “écrivain de spectacles,” comme il dit, de préserver intact son amour du théâtre. En témoigne son besoin toujours renouvelé de transgresser les frontières scéniques. La fascinante aventure de Ça ira (1) Fin de Louis l’a rompu ? Il s’est ressourcé dans le lyrique - du Festival d’Aix-en-Provence à l’Opéra-Comique - et dans les maisons d’arrêt pour monter Pagnol avec des prisonniers… Ici l’énigmatique Pommerat, 56 ans, longue silhouette de danseur ou d’ascétique chercheur, est allé arpenter les terres d’enfance. Jusqu’au vertige. Habitué à revisiter avec noirceur le méchant univers des contes - du Petit Chaperon rouge à Pinocchio en passant par Cendrillon, c’est auprès des adolescents de … demain qu’il a désiré retrouver une virginité artistique. Avec ce pari fou : une bande de garçons et filles de 12-14 ans soit interprétée par dix comédiennes (exceptionnelles !) de 26 à 32 ans. Et pas une seconde ne se pose la question de l’âge, ni du sexe. Le spectateur qui ne sait pas ne devine pas. Ressent juste un malaise confus. Qu’est-ce donc alors qui fait réellement la vérité des sexes et de l’âge ? L’identité sexuelle n’est-elle que lente fabrication sociale, comme le prône la théorie du genre ? Quel merveilleux laboratoire devient le théâtre sous la baguette du magicien Pommerat…
De création en création, dans la pénombre de lumières toujours magistralement étirées jusqu’à d’opaques clairs-obscurs, il traque sans fin l’humain, où commence l’être, où se niche l’être. Qu’est-ce que vivre, ici, hier, maintenant, demain ? Et les questions deviennent d’autant plus lancinantes qu’il les pose en courtes scènes quotidiennes incisives, découpées “cut” comme au cinéma, incarnées par des acteurs au jeu apparemment ordinaire. Mais au cœur des banales familles qu’il raconte, Joël Pommerat introduit ici ces robots censés aider à l’éducation des enfants ou à l’organisation de la maison. Univers de science-fiction ? Tous sont joués par des actrices : pour mieux s’intégrer à nos vies, les androïdes doivent nous ressembler comme frères et sœurs, vient expliquer une conférencière… Juste un peu plus raides parfois, avec leurs perruques si parfaitement coiffées.
Faux, vrai, humain, trans-humain ? Que reste-t-il de notre humanité première dans cet univers futuriste, si étrangement familier pourtant ? Qu’est-elle devenue dans ce monde en perpétuel mouvement ? À demi fantastiques, les récits de vie de Contes et légendes s’enchaînent comme dans les recueils blancs barrés de lignes dorées de la collection du même nom dans les années 1960… Sauf que le langage des jeunes, impatients et pressés d’aujourd’hui est brut, hystérique, violent. La faute à la solitude où ils sont plongés, abandonnés, sans repères quant à leur être même, que peuvent venir fracasser extrémistes, populistes, revanchards machistes ? Joël Pommerat imagine des situations privées et publiques - vite politiques…- où la mère est absente ou va mourir, ou des gamins perdus réapprennent dans des camps ce qu’être viril veut dire, ou se déguisent en fille pour flirter… Contes et légendes dérange. Mais fascine par sa virtuosité théâtrale et son regard terrible sur ce que nous sommes. Le spectacle devient ainsi un bouleversant hommage aux pouvoirs du théâtre, qui rend tout possible, autorise tout, permet de tout comprendre et met en permanence au cœur de tous les questionnements. De toutes les folies et désirs. Pour finir, il y a soudain cette chanson de Dalida, incongrue, populaire et sublime : “je veux mourir sur scène, c’est là que je suis née.” On comprend. C’est là, effectivement, où Contes et légendes nous fait renaître.
Fabienne Pascaud, Télérama, 10/01/2020

Le point de départ de ce projet était l’enfance. Et plus précisément l’enfance comme période de construction et de fabrication de soi. Je ne sais plus comment est apparue l’idée d’une société futuriste dans laquelle des robots humanoïdes seraient intégrés à notre quotidien. À quoi cette identité artificielle pouvait-elle me confronter et en quoi pouvait-elle éclairer le thème de l’enfance ? Il ne s’agissait pas de travailler sur les dérives de l’intelligence artificielle ou de mettre en scène une énième révolte des machines. Ces thèmes sont estimables mais je cherchais plutôt à faire l’expérience de cette possible coprésence entre une humanité dite « naturelle » et une autre « reconstruite » ou artificielle. Cette identité « artificiellement humaine » serait-elle si fondamentalement différente de celle « naturellement humaine » ? En cohérence avec ces questionnements, j’ai eu envie d’adopter une forme fragmentaire et de proposer un ensemble de petits récits, où se croisent des enfants et des robots.
Joël Pommerat, 04 novembre 2019.

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