Sans/Espace d’un quotidien

Exposition photographique de Patricia Arminjon.

Elle photographie les corps proches de la danse.

Donner des images de la finitude de l’Autre
Percevoir par reflet la sienne
Et offrir aux regards traversés l’humanité naissante qui n’est autre que la leur.
Patricia Arminjon

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(c) P. Arminjon

La douceur du regard de Patricia Arminjon redessine en délicatesse, mais avec force, l’être du corps dans son volume d’ombres et de lumières. Un volume retenu, pénétré par la chair « qui frôle le pire », comme le dit Daniel Dobbels.

Avec son petit air de ne pas y toucher, Patricia Arminjon porte un regard aigu sur les corps qu’elle fixe dans ce qu’on imagine être leur histoire et leur devenir. Un arrêt sur le corps comme un arrêt sur image. Une méditation sur les torsions et les tensions contenues qui ne demandent qu’à se dire, dans le silence que la danse a façonné. Des corps qui se mettent à parler lorsqu’ils sont traversés par le regard subtil de celle qui les met en images.

C’est par l’universel qu’il faut donc ouvrir une porte. Et le corps se met à parler.

Entre le creux inexploré et le désir jamais comblé, il y a l’espace de l’amour, silencieux, présent jusque dans le grain de la peau. Alors viennent à l’évidence les impossibles paroles à dire et les meurtrissures secrètes, juste effleurées par le toucher, ultime limite de l’enveloppe sensible qui se mélange à l’espace corporel de l’autre.

De « l’oubli du corps » à la vie des corps, il y a cet entre-temps là, parfois obscur, ou, par miracle, transformé par le trou de lumière qui l’aspire ailleurs : la parole assumée ou le geste inventé. Le corps porte alors en lui ses charges massives et compactes vers le désir de clarté que l’on peut nommer échange, ou mouvement qui naît de son inertie.

Ce partage irrépressible est le territoire de l’amour par excellence qui projette les corps silencieux en des rendez-vous incertains, tant les êtres sont troublés par leurs fragilités sensibles, comme la caresse qui explore du bout des doigts les attentes les plus secrètes.

Et de cette compacité-là, c’est la chaleur du corps qui communique, sans les mots, un nouvel entre-deux : la tendresse, presque impossible à dire. A l’écoute du moindre frisson, c’est la vibration qui invente son propre langage, son ailleurs. En d’autres temps et en d’autres durées.

Le désir est très exactement au croisement du temps et de l’amour. A cet endroit précis il faut abandonner les mots et laisser parler les gestes dans une autre langue : la langue du corps interrompu, brisé, qui s’éveille à ce qu’il avait pressenti sans pouvoir le nommer.
Il pousse alors plus loin le mouvement vers l’amour.

Michel Vincenot - Mars 2003
ESPACES PLURIELS
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