Laurent Pichaud
création 1996
Première pièce de Laurent Pichaud qui a choisi d’entrer en 96 dans le monde des chorégraphes par de belles marches et des tensions subtiles des bras. Elles initient la méditation recueillie que la danse contemporaine sait faire avec justesse. Au contact de la pierre, la danse est un repère pour l’esprit.
« Viva » est une façon de dire tout ce que la parole ne permet pas d’exprimer jusqu’au bout. « C’est un faux passé simple », dit Laurent Pichaud. Un itinéraire où l’on se laisse aller entre la « vie » et le « va... », cette belle invitation du verbe « aller » qui suggère le voyage de la transhumance avec la lucidité et le corps comme simples bagages. En vérité, pour une première chorégraphie, c’est plutôt une autobiographie que Laurent Pichaud articule mot à mot, geste après geste, sur les pas de l’écriture de Charlotte Delbo.
La vie se regarde en face, sans se prendre la tête, sans afficher les sentiments intimes de façon impudique. L’exhibitionnisme n’est pas le fort de Laurent Pichaud. Il choisit au contraire des danseuses simples et belles pour l’accompagner sur le chemin. Christine Jouve et Anne Lopez ont le réalisme au corps et une ténacité généreuse ; l’une dans l’élégance et la délicatesse, l’autre dans la pertinence et la tonicité d’une énergie placée au meilleur endroit. Leur regard et leur présence éclairent le mouvement. Le corps transite par le beau, l’impeccable geste suspendu en attente de rencontres. Exactement le contraire de la fluidité esthétique. « Viva »est une façon de décliner ensemble les mots, la musique et la plastique des corps comme on accorde un instrument.
Pour ouvrir la danse à l’espace de l’entre-deux, de l’entretien, du « tracé d’un devenir » comme l’écrit Deleuze.