Préfiguration des pièces chorales, dont la magistrale et réjouissante Suite n°2 présentée la saison dernière dans le cadre de Résonance(s), Parlement (2009) est un solo conçu et mis en scène par Joris Lacoste pour la comédienne Emmanuelle Lafon. Dans un incroyable numéro de transformiste vocal, l’actrice débite en virtuose un long poème construit à partir d’extraits de slogans publicitaires, de discours politiques, d’émissions télé, de discours de remise de prix, de commentaires de match de football... Campée devant un micro, elle passe dans une même phrase de l’articulation façon France Culture au rythme d’un rappeur du 93. Ce flux verbal, qui nous renvoie à l’absurdité des discours dont nous sommes quotidiennement abreuvés, est aussi l’affirmation d’une parole active et inventive qui nous ouvre sur le monde. Intelligent et foisonnant, ce projet emprunte aux collages de la musique contemporaine, au corps présent, par une incarnation mémorable, et s’installe à la croisée des chemins. Parlement est inévitablement poétique et politique.
L’Encyclopédie de la parole est un projet artistique qui explore l’oralité sous toutes ses formes. Depuis 2007, ce collectif de musiciens, poètes, metteurs en scène, plasticiens, acteurs, sociolinguistes, curateurs, collecte toutes sortes d’enregistrements de parole et les inventorie pour produire des pièces, des installations et des performances entre sérieux et dérision.
Parlement a été produit par Échelle 1:1 / Co-production la Fondation Cartier et le Parc de La Villette dans le cadre des Résidences d’Artistes.
Préfiguration des pièces chorales, dont la magistrale et réjouissante Suite n°2 présentée la saison dernière dans le cadre de Résonance(s), Parlement (2009) est un solo conçu et mis en scène par Joris Lacoste pour la comédienne Emmanuelle Lafon. Dans un incroyable numéro de transformiste vocal, l’actrice débite en virtuose un long poème construit à partir d’extraits de slogans publicitaires, de discours politiques, d’émissions télé, de discours de remise de prix, de commentaires de match de football... Campée devant un micro, elle passe dans une même phrase de l’articulation façon France Culture au rythme d’un rappeur du 93. Ce flux verbal, qui nous renvoie à l’absurdité des discours dont nous sommes quotidiennement abreuvés, est aussi l’affirmation d’une parole active et inventive qui nous ouvre sur le monde. Intelligent et foisonnant, ce projet emprunte aux collages de la musique contemporaine, au corps présent, par une incarnation mémorable, et s’installe à la croisée des chemins. Parlement est inévitablement poétique et politique.
L’Encyclopédie de la parole est un projet artistique qui explore l’oralité sous toutes ses formes. Depuis 2007, ce collectif de musiciens, poètes, metteurs en scène, plasticiens, acteurs, sociolinguistes, curateurs, collecte toutes sortes d’enregistrements de parole et les inventorie pour produire des pièces, des installations et des performances entre sérieux et dérision.
Conception Encyclopédie de la parole / Mise en scène et composition Joris Lacoste / Collaboration Frédéric Danos et Grégory Castéra / Interprétation Emmanuelle Lafon / Dispositif sonore Kerwin Rolland et Andrea Agostini / Crédit photos Huma Rosentalsk
Joris Lacoste
Joris Lacoste est né en 1973. Il vit et travaille à Paris. Il écrit pour le théâtre et la radio depuis 1996, et réalise
ses propres spectacles depuis 2003. Il a ainsi créé 9 lyriques pour actrice et caisse claire aux Laboratoires
d’Aubervilliers en 2005, puis Purgatoire au Théâtre national de la Colline en 2007, dont il a également été
auteur associé.
De 2007 à 2009, il a été co-directeur des Laboratoires d’Aubervilliers. Il initie deux projets collectifs, le projet
W en 2004 et l’Encyclopédie de la parole en 2007, qui donne lieu notamment en 2009 au solo Parlement.
En 2004, il lance le projet Hypnographie pour explorer les usages artistiques de l’hypnose : il produit dans
ce cadre la pièce radiophonique Au musée du sommeil (France Culture, 2009), l’exposition-performance Le
Cabinet d’hypnose (Printemps de Septembre Toulouse, 2010), la pièce de théâtre Le vrai spectacle (Festival
d’Automne à Paris, 2011), l’exposition 12 rêves préparés (GB Agency Paris, 2012), la performance La maison
vide (Festival Far° Nyon, 2012), ainsi que 4 prepared dreams (for April March, Jonathan Caouette, Tony
Conrad and Annie Dorsen) à New York en octobre 2012.
Une comédienne, plusieurs paroles
Il ne faut pas forcément grand-chose pour faire un vrai moment de théâtre. Dans Parlement, qui se joue dans la
petite salle du Théâtre de la Bastille, à Paris, le décor est inexistant. Que voit-on ? Juste une comédienne - mais
quelle comédienne ! -, vêtue comme vous et moi, en jean et tee-shirt, debout devant un pupitre et un micro.
Pendant une heure, cette actrice, Emmanuelle Lafon, prête sa voix et son corps à une multitude de paroles de
statuts très différents : discours politiques, extraits de feuilletons télévisés à l’eau de rose, publicités, plaidoiries,
messages sur répondeur, harangue de vendeur à la criée, commentaires sportifs, textes poétiques, proférations
pythiques à la Jacques Lacan, ou pure matière sonore travaillée par des artistes comme Joseph Beuys ou John
Cage. Parlement fait partie d’un projet plus vaste que mène depuis plusieurs années Joris Lacoste, un grand garçon
un peu lunaire, né en 1973, qui codirigeait jusqu’en 2009 le centre d’art pluridisciplinaire des Laboratoires
d’Aubervilliers : L’Encyclopédie de la parole.
Avec des amis, il a d’abord collecté des milliers de documents sonores de toute nature, des séminaires de
grands philosophes à ce qu’on peut entendre sur YouTube. Ils en ont tiré des pièces purement sonores et des
séances d’écoute organisées pour le public autour des aspects formels de la parole : la cadence, l’adresse,
l’intonation, le timbre, la saturation... Puis, ils ont décidé d’en faire un spectacle, c’est-à-dire de faire passer ces
paroles originelles à travers une seule et même personne, mais pas n’importe laquelle : une comédienne, c’est-à-
dire une personne capable d’adopter le timbre, l’intonation, le débit... de nombreuses autres. Cela n’a l’air de
rien, mais tout est dans les décalages que cela produit. C’est drôle, d’abord, dans la manière dont le montage
opéré fait apparaître des similitudes entre des paroles de nature différente : la cohabitation entre un discours de
Ségolène Royal et un prêche tiré de l’évangile selon Saint-Jean, par exemple, déclenche évidemment l’hilarité
de la salle.
Mais d’autres entrelacs sont plus fins, plus troublants, comme celui qui met en regard un texte de l’auteur
contemporain Olivier Cadiot, qui travaille énormément sur le rythme du langage, et les onomatopées proférées
pendant un cours de gym. Ou encore celui qui superpose la mélopée d’un chaman avec la parole pauvre et
délitée d’un étudiant d’une grande école de commerce. Ensuite, c’est beau, comme un "aboli bibelot d’inanité
sonore" à la Mallarmé, qui joue de tous les allers-retours entre le sens et la pure matière sonore, avant de
devenir, sur la fin, complètement dadaïste. Et puis, mine de rien, il en dit beaucoup sur nous, ce spectacle
d’apparence modeste. Sur le flux sonore dans lequel on est pris incessamment, et qui nous amène à mettre sur le
même plan les vraies paroles et les discours de communication. Alors se détachent toutes les dimensions du mot
de Parlement, qui donne son titre à ce drôle d’objet dont on sort avec une furieuse envie de retrouver la parole :
rare, dense, agissante. Et qui a encore un espace d’expression, aujourd’hui : le théâtre, justement.
Le Monde, Fabienne Darge, janvier 2010.
Paroles Paroles Paroles / Parlement
Du titre Parlement on retiendra surtout parle. Dans un incroyable numéro de transformiste vocal,
l’époustouflante actrice Emmanuelle Lafon débite un long poème construit à partir d’extraits de slogans
publicitaires, de discours politiques, d’émissions télé, de remises de prix, match de football, course hippique...
Elle ne joue pas de personnages, elle les parle.
Campée devant un micro, cette mademoiselle tout le monde vêtue d’un jean et d’un pull sans signes particuliers
passe dans une même phrase de l’articulation, façon France Culture, au rythme d’un rappeur du 93, du ton un
peu mou d’une paumée échappée d’une émission télé réalité à la virulence d’une prêcheuse américaine... La
parole est ici prétexte à un jeu vocal qui consisterait à identifier la situation invoquée en fonction de la façon
de parler, des inflexions de la voix. Le monde nous apparaît soudain entièrement codé par les voix, on évalue
à quel point cette musique des informations avec appui sur certains mots, le rythme de la météo marine, la
voix synthétique que l’on a au bout du fil, le nasillard d’un dessin animé, la scansion d’une prière nous sont
familiers. Comme le monde est saturé d’images mais aussi de voix. Cette logorrhée verbale drôle au départ finit
par devenir angoissante tant elle nous renvoie au vide, au non sens à l’absurdité d’un discours. L’exercice a ses
limites quand après un remarquable prêche en anglais en duo avec Joris Lacoste, l’actrice reprend le système
en phrases quasi syncopée. Mais c’est avec délice que l’on suit la problématique du vide et du plein à travers
l’histoire d’un petit bidon, rien qu’un petit bidon posé sur la table. Joris Lacoste et Emmanuelle Lafon font partie
du collectif de l’Encyclopédie de la parole dont le slogan est « Nous sommes tous des experts de la parole ».
Emmanuelle Lafon est sans aucun doute une experte virtuose.
Médiapart, Véronique Klein, janvier 2010.
Parlement , le solo à plusieurs voix de Joris Lacoste
En février, le Centre Pompidou reprend Parlement de Joris Lacoste, monologue issu d’un montage sonore dont
Emmanuelle Lafon est la prodigieuse émettrice. Joris Lacoste, co-directeur des Laboratoires d’Aubervilliers,
a fait de L’Encyclopédie de la parole l’un de ses nombreux chantiers en cours. Un corpus sonore créé à partir
de différentes collectes personnelles qui contient toutes formes de parole. Les formes orales sont ainsi
inventoriées : poésie orale, performance, théâtre, lectures, dialogues de cinéma, conversations courantes,
entretiens, rap, témoignages, récits, récitatifs, documents ethnographiques, discours politiques, religieux,
pédagogiques, plaidoiries, leçons de danse, de yoga, de gymnastique, instructions militaires, instructions
sportives, hypnose, litanies, prières, cérémonies, journaux télévisés, commentaires sportifs, contes, reportages,
boniments, publicité, vente aux enchères, synthèse vocale, slogan féministe, discours de propagande,
enregistrement de séminaires universitaires, extraits de sitcom… On en perd le souffle.
Ces enregistrements deviennent la matière d’une écriture théâtrale. Les codes des différents régimes de parole
sont tressés et mis à nu. On perçoit alors la mélodie de la parole qui est tout à la fois étrange et familière car
déplacée, décadrée. Une centaine de voix cohabitent à l’intérieur d’un même corps et Emmanuelle Lafon devient
une diseuse-transformiste. Seule en scène pendant une heure, en compagnie d’un micro et d’une bouteille d’eau,
la comédienne fascine et porte loin le sien, de souffle. Parlement est une expérience plus qu’une pièce. Les voix
de cette interprète virtuose s’échappent, se mêlent, se confrontent. Les différences de genres, de disciplines
ou de sources n’existent pas. Le spectateur se construit lentement un point de vue ou plutôt un point d’écoute
qui propose une co-existence aux paroles. De micro-rapports entre les intonations, les accents d’une lecture
poétique et ceux d’un présentateur télé se font alors entendre. La voix est au centre du jeu. Elle nous amène à la
découvrir, à s’attacher à chacune de ses inflexions, de ses variations de tessiture ou de débit. Nous sommes alors
« experts de la parole ». Nous savons reconnaître les types de discours, débusquer la parole intime ou formatée
dans une langue ou une voix inconnue.
Intelligent et foisonnant, ce projet emprunte aux collages de la musique contemporaine, au corps présent
par une incarnation mémorable et le théâtre s’installe à la croisée des chemins. Parlement est inévitablement
poétique et politique. Emmanuelle Lafon devient le haut-parleur idéal de la composition instantanée à laquelle
nous souscrivons chaque jour pour éviter la folie. Un parfait rejeton de cette belle et bonne chose qu’est L’encyclopédie de la parole.
Danzine, Marie Juliette Verga, février 2011.
Parlement est un solo composé à partir du corpus sonore de l’Encyclopédie de la parole : la partition est constituée d’enregistrements de paroles aussi diverses qu’une plaidoirie, un message de répondeur, un discours politique, une déclamation poétique, une publicité, un extrait de sitcom, un prêche religieux, un commentaire sportif... Ces enregistrements, d’abord recueillis pour leurs qualités propres, ont fourni la matière d’une écriture théâtrale particulière, procédant par montage et composition non de textes, mais de sons. En faisant se succéder une centaine de voix à l’intérieur d’un même corps, celui de l’actrice Emmanuelle Lafon, Parlement génère un discours transformiste et poétique, traversé par la diversité de la parole humaine. L’Encyclopédie de la parole est un projet artistique qui explore l’oralité sous toutes ses formes. Depuis 2007, ce collectif qui réunit musiciens, poètes, metteurs en scènes, plasticiens, acteurs, sociolinguistes, curateurs, collecte toutes sortes d’enregistrements de parole et les inventorie sur son site internet en fonction de propriétés ou de phénomènes particuliers telles que la cadence, la choralité, le timbre, l’adresse, la saturation ou la mélodie. Qu’y a t-il de commun entre la poésie de Marinetti, des dialogues de Louis de Funès, un commentaire de tiercé, une conférence de Jacques Lacan, un extrait de South Park, le flow d’Eminem ou de Lil Wayne, un message laissé sur un répondeur, les questions de Julien Lepers, une prédication adventiste, Les Feux de l’amour en VF, un discours de Léon Blum ou de Bill Clinton, une vente aux enchères, une incantation chamanique, les déclamations de Sarah Bernhardt, une plaidoirie de Jacques Vergès, une publicité pour du shampoing, des conversations enregistrées au café du coin ? À partir de cette collection qui comprend aujourd’hui près de 800 documents sonores, l’Encyclopédie de la parole produit des pièces sonores, des performances et spectacles, des conférences, des jeux et des expositions. En 2013, l’Encyclopédie de la parole regroupe Frédéric Danos, Emmanuelle Lafon, Nicolas Rollet, Joris Lacoste, Grégory Castéra, David Christoffel, Elise Simonet et Valérie Louys.