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Gaëlle Bourges
Danse / JEUDI 15 MARS 20H30  / Théâtre Saragosse
1H30 / TARIF B

Le travail de Gaëlle Bourges témoigne d’une inclination prononcée pour les références à l’histoire de l’art et d’un rapport critique à l’histoire des représentations. La pièce A mon seul désir, présentée lors de l’édition 2015 de Résonance(s), nous en donnait un premier aperçu. La chorégraphe poursuit aujourd’hui sa mise en danse éclairante de l’histoire (de l’art) avec la fresque Les effets du bon et du mauvais gouvernement, peinte par Lorenzetti en 1338 à Sienne et analysée par l’historien Patrick Boucheron dans un ouvrage qui donne son titre au spectacle : Conjurer la peur. Une fois encore, Gaëlle Bourges nous invite à glisser dans l’image, misant sur la capacité du spectacle à créer une vision ouverte à partir d’une représentation fixe. Ces images anciennes sont en réalité un véritable outil de propagande politique. Gaëlle Bourges et son équipe y entrent physiquement, prenant avec soin les poses des figures représentées du côté du mauvais gouvernement et du côté du bon gouvernement, dont une ample ronde de neuf danseuses – une « ridda » – qui, inventée pour le spectacle, prend vie sous nos yeux. La pièce s’impose dès lors comme une fable politique singulière et entêtante. D’abord parce qu’on y parle de la propagande par l’image, de la différence entre « se faire obéir » et « commander », des visages protéiformes du vice et de la vertu. Ensuite, parce que ces différents thèmes parviennent à ricocher sur diverses strates temporelles, une sorte de jeu de piste à travers notre passé et notre vive actualité, de dédale psychanalytique. Dans un contexte de peur alimenté par nos propres gouvernants, Conjurer la peur expérimente l’histoire depuis l’urgence du présent.

www.gaellebourges.com

Récit Gaëlle Bourges, avec des emprunts à Conjurer la peur, Sienne 1338. Essai sur la force politique des images, Patrick Boucheron, Editions du Seuil, 2013 / Discours de la servitude volontaire, La Boétie, Editions Mille et une nuits, juillet 2016 / Qu’est-ce que le commandement ? Giorgio Agamben, Bibliothèque Rivages, avril 2013 / L’insurrection qui vient, comité invisible, La Fabrique éditions, septembre 2015 / Critique n°823 Patrick Boucheron : l’histoire, l’écriture, Revue générale des publications françaises et étrangères, décembre 2015 / article « L’histoire à chaud », Gil Bartholeyns / « Le derrière de l’histoire » et « Nos écrans se regardent, nos écrans s’aiment », Paul B. Preciado, articles dans Libération week-end, 13 janvier 2017 et 24 février 2017 Association Os / Danse de et par Matthias Bardoula, Gaëlle Bourges, Agnès Butet, Marianne Chargois, Camille Gerbeau, Guillaume Marie, Phlaurian Pettier, Alice Roland et Marco Villari / Création musicale Stéphane Monteiro alias XTRONIK, avec la participation amicale d’Erwan Keravec / Musique utilisation de l’oeuvre DAYDREAMING de Thomas Edward Yorke, Colin Charles Greenwood, Jonathan Greenwood, Edward John O’Brien et Philip James Selway / Réalisation des costumes Marianne Chargois / Création lumière Abigail Fowler / Régie lumière, régie générale Ludovic Rivière / Régie son Stéphane Monteiro / Production diffusion Maeva Bergeron / Crédit photos Danielle Voirin
Production

Production association Os / Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New Settings / Co-production Résidence de création, artiste associée Centre chorégraphique national de Tours / Direction Thomas Lebrun, L’échangeur - CDC Hauts-de-France, Centre chorégraphique national de Caen en Normandie dans le cadre de l’accueil-studio/Ministère de la Culture et de la Communication, TAP (Théâtre et Auditorium de Poitiers) – Scène Nationale, le Théâtre de la Ville de Paris, Le Vivat – scène conventionnée d’Armentières, La Ménagerie de Verre, la Fabrik Potsdam et le CDC d’Uzès dans le cadre du dispositif « Étape danse » / Avec le soutien de la DRAC Îlede- France au titre de l’aide à la structuration, CHOREGE, Relais Culturel Régional du Pays de Falaise / Avec un accueil en résidence Espaces Pluriels – scène conventionnée Pau dans le cadre d’une résidence technique, Arcadi Île-de-France / Avec l’aimable autorisation des Éditions du Seuil pour l’exploitation du titre Conjurer la peur (tous droits réservés) / Création les 21 et 22 mars 2017, festival Étrange Cargo, Ménagerie de Verre (Paris) / Gaëlle Bourges est artiste associée au Centre Chorégraphique National de Tours, direction Thomas Lebrun, pour trois ans (2016 – 2018), à Danse à tous les étages, scène de territoire danse en Bretagne, dans le projet Résodanse (« au bout du monde ! ») (2017-2018) / Artiste en résidence longue à L’échangeur - CDC Hautsde- France, Château-Thierry (2016-2018).

Le travail de Gaëlle Bourges témoigne d’une inclination prononcée pour les références à l’histoire de l’art et d’un rapport critique à l’histoire des représentations. La pièce A mon seul désir, présentée lors de l’édition 2015 de Résonance(s), nous en donnait un premier aperçu. La chorégraphe poursuit aujourd’hui sa mise en danse éclairante de l’histoire (de l’art) avec la fresque Les effets du bon et du mauvais gouvernement, peinte par Lorenzetti en 1338 à Sienne et analysée par l’historien Patrick Boucheron dans un ouvrage qui donne son titre au spectacle : Conjurer la peur. Une fois encore, Gaëlle Bourges nous invite à glisser dans l’image, misant sur la capacité du spectacle à créer une vision ouverte à partir d’une représentation fixe. Ces images anciennes sont en réalité un véritable outil de propagande politique. Gaëlle Bourges et son équipe y entrent physiquement, prenant avec soin les poses des figures représentées du côté du mauvais gouvernement et du côté du bon gouvernement, dont une ample ronde de neuf danseuses – une « ridda » – qui, inventée pour le spectacle, prend vie sous nos yeux. La pièce s’impose dès lors comme une fable politique singulière et entêtante. D’abord parce qu’on y parle de la propagande par l’image, de la différence entre « se faire obéir » et « commander », des visages protéiformes du vice et de la vertu. Ensuite, parce que ces différents thèmes parviennent à ricocher sur diverses strates temporelles, une sorte de jeu de piste à travers notre passé et notre vive actualité, de dédale psychanalytique. Dans un contexte de peur alimenté par nos propres gouvernants, Conjurer la peur expérimente l’histoire depuis l’urgence du présent.

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DISTRIBUTION

Récit Gaëlle Bourges, avec des emprunts à Conjurer la peur, Sienne 1338. Essai sur la force politique des images, Patrick Boucheron, Editions du Seuil, 2013 / Discours de la servitude volontaire, La Boétie, Editions Mille et une nuits, juillet 2016 / Qu’est-ce que le commandement ? Giorgio Agamben, Bibliothèque Rivages, avril 2013 / L’insurrection qui vient, comité invisible, La Fabrique éditions, septembre 2015 / Critique n°823 Patrick Boucheron : l’histoire, l’écriture, Revue générale des publications françaises et étrangères, décembre 2015 / article « L’histoire à chaud », Gil Bartholeyns / « Le derrière de l’histoire » et « Nos écrans se regardent, nos écrans s’aiment », Paul B. Preciado, articles dans Libération week-end, 13 janvier 2017 et 24 février 2017 Association Os / Danse de et par Matthias Bardoula, Gaëlle Bourges, Agnès Butet, Marianne Chargois, Camille Gerbeau, Guillaume Marie, Phlaurian Pettier, Alice Roland et Marco Villari / Création musicale Stéphane Monteiro alias XTRONIK, avec la participation amicale d’Erwan Keravec / Musique utilisation de l’oeuvre DAYDREAMING de Thomas Edward Yorke, Colin Charles Greenwood, Jonathan Greenwood, Edward John O’Brien et Philip James Selway / Réalisation des costumes Marianne Chargois / Création lumière Abigail Fowler / Régie lumière, régie générale Ludovic Rivière / Régie son Stéphane Monteiro / Production diffusion Maeva Bergeron / Crédit photos Danielle Voirin

 
 

Gaëlle Bourges
Après des études de lettres modernes, Gaëlle Bourges signe et/ou cosigne des pièces de danse (Compagnie du K, Groupe Raoul Batz, aujourd’hui association Os). Entre 2000 et 2005, la série de performances Homothétie 949 ou les contours progressifs de l’index 10, du Groupe Raoul Batz, était une étude sur le corollaire entre l’invention de la perspective centrale, l’anatomie, la naissance de la scène dite à l’italienne, les automates, et le cogito de Descartes. Le travail de dissection du regard était lancé, continuant aujourd’hui d’engendrer des pièces, accompagné par de fidèles compagnons : le triptyque Vider Vénus, constitué de Je baise les yeux (Les Antipodes/Le Quartz, Brest, 2009), La belle indifférence (Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint- Denis, 2010) et Le verrou (figure de fantaisie attribuée à tort à Fragonard) (Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, 2013) ; En découdre (un rêve grec) (Emmetrop, Bourges, 2012) ; Un beau raté (festival 360, Montreuil, 2013) ; A mon seul désir (Ménagerie de Verre, festival « Les Inaccoutumés », 2014 ; festival d’Avignon, 2015) ; 59 (Tanzhaus, Düsseldorf, octobre 2014), d’après des archives de l’industrie textile à Roubaix – une commande dans le cadre du projet européen « Recording Fields » (France, Allemagne, Pologne) ; Lascaux, Ménagerie de Verre festival « Les Inaccoutumés », 2015). Conjurer la peur, créée en mars 2017 au festival Étrange Cargo de la Ménagerie de Verre, Incidence 1327, créée avec Gwendoline Robin en juillet 2017 aux Sujets à Vif du festival d’Avignon, Revoir Lascaux, créée en octobre 2017 au festival « C’est comme ça ! » de L’échangeur CDCN Hauts-de-France, et Le bain, créée en janvier 2018 au CCN de Tours. Elle intervient par ailleurs sur des questions théoriques en danse de façon ponctuelle, est diplômée en Arts du Spectacle mention danse - Université Paris VIII, et en « Éducation somatique par le mouvement » - École de Body-Mind Centering. Elle a travaillé dans un théâtre érotique pendant deux ans et demi, et a chanté dans plusieurs formations (comédie musicale pour enfants, groupe glam’pop, etc.).

Le 14 juillet 2016 dans l’après-midi, quelque part dans un train qui relie Avignon à Nice, l’artiste Gaëlle Bourges gamberge sur sa prochaine création. Dans ses écouteurs, joue en boucle un titre de Radiohead, Daydreaming, qui s’achève sur ces mots : « Just happy to serve, just happy to serve you. » (« Heureux de servir, heureux de vous servir. ») Dans son sac, on trouve sans doute le livre de l’historien Patrick Boucheron, Conjurer la peur. Dans sa tête, cette fresque de 1338 nichée dans le palais communal de Sienne en Italie, la fresque dite Des effets du bon et du mauvais gouvernement, une commande passée au peintre Ambrogio Lorenzetti par le « gouvernement des Neuf », qui dirige la ville à l’époque. Il s’agit, paraît-il, d’un véritable programme politique sous forme d’allégories, et qui montre une urgence : si l’on veut maintenir la paix dans la République siennoise, il faut résister à la tyrannie qui menace, éteindre le brasier de la guerre qui rôde, et stimuler l’art de bien vivre ensemble. A cette étape de la vie de Gaëlle Bourges, il n’y a pas encore de lien apparent entre ce trajet en train, la fresque médiévale et les mots de Thom Yorke, voix de Radiohead. Jusqu’à ce que vers 22h30, en regardant passer à quelques mètres d’elle, sur la promenade des Anglais, un camion blanc qui laissera 86 morts et des centaines de blessés, ces pièces de puzzle convergent, se superposent et s’imbriquent, comme pour former un seul objet. La clé d’une énigme peut-être. La carte d’un inquiétant Cluedo. De quoi est-on responsable ? A quelle source remonter ? Et s’il fallait rentrer physiquement dans la fresque médiévale du palais siennois, histoire de comprendre qui, de l’allégorie de la sécurité, de la paix, de la force, de la tempérance, de la magnanimité, de la prudence ou de la justice, s’est paumé dans les limbes de l’histoire ? Pénétrer la fresque, rentrer dans l’image, physiquement. Ce sera donc le programme de Conjurer la peur, du nom de cette création sublime (conçue à la Ménagerie de verre à Paris), signée Gaëlle Bourges, à laquelle le livre de Patrick Boucheron a depuis donné naissance et prêté son titre (l’historien a été étroitement associé au projet). Elle se présente sous la forme d’un carnet de bord. Gaëlle Bourges (re)parcourt pendant une heure le processus de création de son spectacle, en maîtrisant haut la main l’art délicat du pincesans- rire et des ruptures de ton. On voyage ainsi du palais communal de Sienne au Festival d’Avignon, lieu d’un « grand oral » où Gaëlle Bourges a dû pitcher Conjurer la peur à l’été 2016 devant plusieurs programmateurs, dont certains tiraient clairement « la gueule ». Le projet n’a donc pas été retenu dans la sélection. Au premier plan, le récit en direct de l’artiste s’ouvre sur une improbable visite virtuelle de Sienne, entre boutiques à souvenirs kitsch et exploration philosophique de la fresque, animée façon tableaux vivants par un groupe de danseurs. Puis l’oeil glisse dans l’image, la voix live devient voix off, bande son. Les péripéties personnelles (un harcèlement lourdingue dans les rues d’Avignon) prennent une charge allégorique et les danseurs médiévaux, partis en farandole sur la musique de Thom Yorke, une allure fantasmagorique. adaptés à vos centres d’intérêt. Dans la somme des oeuvres, parfois naïves ou trop empressées, créées en pleine digestion des attentats terroristes, celle-ci s’impose comme une fable politique singulièrement entêtante. D’abord parce qu’on y parle de la propagande par l’image, de la différence entre « se faire obéir » et « commander », des visages protéiformes du vice et de la vertu, ou de cette phrase de Jean-Luc Godard qui disait : « Un gouvernement qu’est-ce que c’est ? [...] c’est votre accord de vous laisser gouverner. » Entêtante surtout parce que ces différents thèmes parviennent à ricocher sur diverses strates temporelles, comme des pierres que le gouvernement des Neuf aurait lancées depuis le Sienne médiéval et qui aurait rebondi en 2016 sur le trottoir de la promenade des Anglais. Une sorte de jeu de pistes à travers les siècles, de dédale psychanalytique. Parmi les différentes énigmes posées dans Conjurer la peur, la moins grave est finalement la plus insoluble : comment une telle pièce a-t-elle pu se faire recaler du fameux « grand oral » avignonnais ?
Libération, Eve Beauvallet, avril 2017.

L’image ancienne qui ouvre le projet est la « fresque du Bon et du Mauvais gouvernement », qu’Ambrogio Lorenzetti a peinte dans le palais communal de Sienne en 1338. Cette fresque est clairement un outil de propagande par les images – le palais communal est un lieu de passage, et la commande faite au peintre émane du « gouvernement des neuf » qui dirige la ville à l’époque. C’est en effet un véritable programme politique qui s’étend sur trois longs murs peints, et qui montre une urgence : si l’on veut maintenir la paix dans la république siennoise, il faut résister à la tyrannie qui menace, éteindre le brasier de la guerre qui rôde, et stimuler l’art de bien vivre ensemble. En d’autres termes : il faut conjurer la peur. C’est exactement le titre du livre de l’historien Patrick Boucheron sur cette fresque : Conjurer la peur, Sienne 1338 - Essai sur la force politique des images, publié aux éditions du Seuil en 2013. Nous le lui empruntons avec son accord ; Patrick Boucheron sera d’ailleurs un interlocuteur privilégié dans l’élaboration de ce travail. Passons à la fresque elle-même : sur le mur nord siègent les figures allégoriques du « Bon gouvernement ». À l’ouest, une longue paroi étale les images du « Mauvais gouvernement » : la cour des vices, une cité et ses environs en proie aux flammes de la haine sociale – la guerre. À l’est, au contraire, se déploie une peinture majestueuse de la ville et de ses campagnes en paix : ce sont les effets du bon gouvernement sur Sienne. On y travaille, y commerce librement, et même on y danse : on remarque une ronde de jeunes filles vêtues de longues robes – neuf (sans compter la joueuse de tambour), comme les neuf citoyens appelés à gouverner à tour de rôle la ville de Sienne entre 1287 et 1355 ; comme les neuf vertus sur le mur nord ; comme les neuf vices à l’ouest. Trois longs murs peints donc, auquel s’ajoute le quatrième qui ferme la salle du palais où la fresque est toujours visible - mur percé d’une fenêtre qui s’ouvre sur les collines toscanes, et qui arbore quelques trompe-l’oeil. Le gouvernement de Sienne, en 1338, a voulu faire face - par la peinture - à une peur : l’urgence à lutter contre une menace informe mais certaine (la tyrannie, ou tout autre forme de mauvais gouvernement qui exerce par la peur). Cette urgence ancienne hante toujours notre monde contemporain. Lorenzetti a trouvé en son temps une réponse édifiante pour ceux qui voyaient sa fresque. Quelles réponses plastiques pouvons-nous trouver aujourd’hui pour nous instruire du danger ? La danse offre quelques éléments de réponse plastique, justement, qui seront des points d’appui pour le travail : si on regarde les danseuses de près, on observe que les cheveux sont courts, la poitrine plate. On ne trouve pas les critères habituels des personnages féminins peints par Lorenzetti. Ce sont donc des hommes ? Assurément, écrit Patrick Boucheron : « Et l’on pourrait même ajouter : des danseurs professionnels (…), des danseurs employés par les gouvernements communaux pour participer à une forme complexe de rituel politique qui, comme les célèbres courses de chevaux du Palio, consiste à déposer le pouvoir au centre de l’espace public. Reste à comprendre le sens de cette transgression : pourquoi vêtir ses danseurs comme des nymphes, quitte à heurter toutes les règles de la bienséance et de la modération martelées par les lois somptuaires du gouvernement des Neuf ? ». Premier trouble. Et il y a encore ce détail : en regardant les robes de près, on remarque qu’elles sont envahies par des vers, des larves, des mites. Or vers et mites sont le symbole de la tristitia, ce vice de tristesse et de morosité que les moralistes chrétiens ont, en ce 14e siècle, depuis longtemps pris pour cible. Il faut, dans la vie privée comme dans la vie civile, « lutter contre la tristitia en exprimant son gaudium - la joie - mais envisagée comme la nécessité politique d’une émotion collective, qui passe par une posture corporelle publique, offerte au regard de chacun, manifestant de manière expressive et codifiée un sentiment social. » (Patrick Boucheron) Deuxième trouble : la danse n’est pas, dans la fresque, une expression de joie spontanée mais l’expression d’un sentiment social dansé par des professionnels - sorte de microprogramme politique qui pourrait avoir encore un intérêt aujourd’hui. C’est cette possibilité plastique – deux côtés face à face, l’un vu à l’envers (le mauvais gouvernement), l’autre vu à l’endroit (le bon gouvernement) où une ronde ouverte, mélancolique et lente serpente, dansée par neuf travestis - que Conjurer la peur tentera de déployer sur scène. L’intention est simple : expérimenter un « sentiment social » d’un bien gouverner en glissant dans l’image. Sans oublier le legs le plus précieux de la fresque, qui constituera la trame de base du récit : un mauvais gouvernement est celui qui dérègle les usages de la parole ; un bon organise la dispute, et se fonde sur l’exactitude du mot.

ESPACES PLURIELS
SCÈNE CONVENTIONNÉE D'INTÉRÊT
NATIONAL ART ET CRÉATION DANSE
17 AVENUE DE SARAGOSSE
64000 PAU