Lazarus and the Birds of Paradise
A Kind of Fierce
Blanc
La scène Espaces Pluriels propose une soirée en partenariat avec 30/30 – Les Rencontres de la forme courte. Depuis 14 ans, cette manifestation basée à Bordeaux suscite la curiosité en offrant une vision plurielle et pointue de la création contemporaine. Avec une programmation au croisement des disciplines – danse, performance, musique, théâtre, cirque –, elle met en avant des créations à la fois éclectiques et exigeantes, valorisant la richesse et la particularité de la nouvelle scène locale, nationale et internationale. Ce programme sur mesure comprend trois spectacles signés par des femmes : Lazarus and the Birds of Paradise de l’Irlandaise Oona Doherty, A Kind of Fierce de la Grecque Katerina Andreou et Blanc de Vania Vaneau, chorégraphe d’origine brésilienne.
Lazarus and the Birds of Paradise
Dans Lazarus and the Birds of Paradise, premier
volet d’une série en devenir, la sidérante Oona
Doherty engage une maîtrise du corps qui mêle
mime et hip-hop, voguing et contorsionnisme.
Avec ce solo, la jeune chorégraphe d’Irlande
du Nord, formée à la London School of
Contemporary Dance, a été primée au festival
de Dublin. Juste récompense pour l’énergie
habitée qu’elle donne à voir et à percevoir, en
vibration intérieure, sur une bande-son où les
mots, les exclamations, les sanglots, extraits du
documentaire Wee Bastards ?, sur les quartiers
chauds de Belfast, interagissent avec le spirituel
Miserere Mei, Deus d’Allegri.
A Kind of Fierce
À travers une prise d’élan ininterrompu, Katerina
Andreou invente un corps en état d’alerte.
Son solo se développe comme un terrain de jeu
où les règles s’inventent pour être manipulées,
en écho à une danse libre. La danseuse déploie
un vocabulaire gestuel impressionnant, nourri
de motifs répétés, de gestes saccadés. Sauts,
battements, tours crépitent dans le noir du
plateau comme des éclats. On y lit des bribes
de danse, apprises et digérées, des figures
classiques qui côtoient un répertoire drôle tout
en cavalcades. Née et initialement formée
à Athènes, Katerina Andreou rejoint en 2011
le cndc d’Angers, puis collabore, entre autres,
avec des artistes tels que Emmanuelle Huynh,
DD Dorvillier ou Jocelyn Cottencin.
Blanc
Ce solo de Vania Vaneau, accompagné par
Simon Dijoud à la guitare, puise ses racines dans
les origines brésiliennes de la chorégraphe et
sa rencontre avec la culture européenne. Issu,
entre autres, d’une recherche sur les rituels
de transe chamaniques et afro-brésiliens et le
travail de l’artiste tropicaliste Hélio Oiticica,
Blanc questionne l’exposition du corps aux flux
de cultures, d’histoires, d’énergie et d’émotions
qui le traversent. Avec cette pièce aux accents
carnavalesques, Vania Vaneau se prend au jeu du
travestissement à l’aide de costumes chamarrés
pour déployer dans l’espace les différentes
couches dont l’Homme se pare comme autant
de peaux et de masques. Formée à P.A.R.T.S
à Bruxelles, d’abord interprète chez Wim
Vandekeybus, Maguy Marin, Yoann Bourgeois,
Anne Collod ou encore Christian Rizzo, elle crée
ce premier solo en 2014.
LAZARUS AND THE BIRDS OF PARADISE
Avec le soutien de Arts Council of Northern Ireland
A KIND OF FIERCE
Production Mi-Mai / Co-production
CDC Atelier de Paris Carolyn
Carlson, Athens & Epidaurus Festival,
DansFabrik / Festival - Le Quartz
(dans le cadre de FOCUS ATHENS,
programmation Lenio Kaklea et Lou
Froster) / Avec le soutien de CND
(Paris) dans le cadre du dispositif
résidence augmentée, Honolulu-
Loic. Touzé/ORO (Nantes) en
partenariat avec La Métive (Creuse)
et Le Pad (Angers), Espace Pasolini
(Valenciennes), Le Volapuk (Tours) /
Remerciements à Anne Lise Le Gac,
Lynda Rahal, Anna Gaiotti, Jacob
Garet, Giorgos Apostolakos, La
Tierce, Miltos Exakoustidis, Lenio
Kaklea.
BLANC
Production Cie Arrangement
Provisoire (Lyon) / Co-production
CCNR – Yuval Pick, Ramdam (St.
Foy-les-Lyon) / Soutiens Les
Subsistances (Lyon), L’Animal à
la Esquena (Gerone, ES), CDC
Le Pacifique (Grenoble) / La Cie
Arrangement Provisoire est soutenue
par la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes /
Ministère de la culture et de la
communication, la Région Auvergne-
Rhône-Alpes, la Ville de Lyon et
l’Institut Français pour les tournées
internationales.
La scène Espaces Pluriels propose une soirée en partenariat avec 30/30 – Les Rencontres de la forme courte. Depuis 14 ans, cette manifestation basée à Bordeaux suscite la curiosité en offrant une vision plurielle et pointue de la création contemporaine. Avec une programmation au croisement des disciplines – danse, performance, musique, théâtre, cirque –, elle met en avant des créations à la fois éclectiques et exigeantes, valorisant la richesse et la particularité de la nouvelle scène locale, nationale et internationale. Ce programme sur mesure comprend trois spectacles signés par des femmes : Lazarus and the Birds of Paradise de l’Irlandaise Oona Doherty, A Kind of Fierce de la Grecque Katerina Andreou et Blanc de Vania Vaneau, chorégraphe d’origine brésilienne.
Lazarus and the Birds of Paradise
Dans Lazarus and the Birds of Paradise, premier
volet d’une série en devenir, la sidérante Oona
Doherty engage une maîtrise du corps qui mêle
mime et hip-hop, voguing et contorsionnisme.
Avec ce solo, la jeune chorégraphe d’Irlande
du Nord, formée à la London School of
Contemporary Dance, a été primée au festival
de Dublin. Juste récompense pour l’énergie
habitée qu’elle donne à voir et à percevoir, en
vibration intérieure, sur une bande-son où les
mots, les exclamations, les sanglots, extraits du
documentaire Wee Bastards ?, sur les quartiers
chauds de Belfast, interagissent avec le spirituel
Miserere Mei, Deus d’Allegri.
A Kind of Fierce
À travers une prise d’élan ininterrompu, Katerina
Andreou invente un corps en état d’alerte.
Son solo se développe comme un terrain de jeu
où les règles s’inventent pour être manipulées,
en écho à une danse libre. La danseuse déploie
un vocabulaire gestuel impressionnant, nourri
de motifs répétés, de gestes saccadés. Sauts,
battements, tours crépitent dans le noir du
plateau comme des éclats. On y lit des bribes
de danse, apprises et digérées, des figures
classiques qui côtoient un répertoire drôle tout
en cavalcades. Née et initialement formée
à Athènes, Katerina Andreou rejoint en 2011
le cndc d’Angers, puis collabore, entre autres,
avec des artistes tels que Emmanuelle Huynh,
DD Dorvillier ou Jocelyn Cottencin.
Blanc
Ce solo de Vania Vaneau, accompagné par
Simon Dijoud à la guitare, puise ses racines dans
les origines brésiliennes de la chorégraphe et
sa rencontre avec la culture européenne. Issu,
entre autres, d’une recherche sur les rituels
de transe chamaniques et afro-brésiliens et le
travail de l’artiste tropicaliste Hélio Oiticica,
Blanc questionne l’exposition du corps aux flux
de cultures, d’histoires, d’énergie et d’émotions
qui le traversent. Avec cette pièce aux accents
carnavalesques, Vania Vaneau se prend au jeu du
travestissement à l’aide de costumes chamarrés
pour déployer dans l’espace les différentes
couches dont l’Homme se pare comme autant
de peaux et de masques. Formée à P.A.R.T.S
à Bruxelles, d’abord interprète chez Wim
Vandekeybus, Maguy Marin, Yoann Bourgeois,
Anne Collod ou encore Christian Rizzo, elle crée
ce premier solo en 2014.
Lazarus and the Birds of Paradise
Chorégraphie, interprétation et son Oona Doherty /
Lumière Sarah Gordon / Photo DR
A Kind of Fierce
Chorégraphie, interprétation et conception son Katerina Andreou /
Régie son Eric Yvelin / Lumière Yannick Fouassier /
Regard extérieur Myrto Katsiki / Musique Chevreuil (Breakdance,
album Capoeira, 2006), The Beatles (Because, album Abbey Road,1969) /
La pièce Blanc a été lauréate du Prix Jardin
d’Europe 2016 (ImpulsTanz Festival) / Photo Miltos Exakoustidis
Blanc
Cie Arrangement Provisoire
Chorégraphie et interprétation Vania Vaneau /
Musique Simon Dijoud /
Lumière Johann Maheut /
Assistant Jordi Galí /
Regard extérieur Anna Massoni / Photo Eric Villemain
Oona Doherty
Oona Doherty a étudié à l’école de danse contemporaine de Londres, à l’université d’Ulster et au conservatoire
de LABAN à Londres. Elle crée, collabore et se produit au niveau international depuis 2010 avec des
compagnies telles que TRASH (Pays-Bas), Abattoir Fermé (Belgique), Veronika Riz (Italie), Emma Martin/
United Fall (Irlande), Nacera Belaza (France) et Enda Walsh (Royaume-Uni).
Elle présente ses propres chorégraphies en tournée depuis 2014. Artiste de la technique ISSAC pour artistes
associés, Oona a dirigé des ateliers de Théâtre de mouvement et de théâtre de danse en Europe depuis 2012.
En 2016, Oona Doherty est devenue une artiste du programme HATCH du MAC de Belfast et du programme
REVEAL de Prime Cut Productions.
« Mon oeuvre tente de jouer avec la barrière entre la chair et l’âme, le public et la scène ; dans le but de
partager une expérience cinétique. Je suis déterminée à explorer les états de la sincérité métaphysique pure.
À réintégrer le sexe, le punk, le romantisme, le chi dans le corps, dans la boîte noire, dans la boîte blanche et
en Irlande. »
Katerina Andreou
Après des études en droit à l’Université d’Athènes, puis en danse à l’École Supérieure de Danse d’Athènes,
Katerina Andreou intègre ESSAIS, le master en création chorégraphique du Centre National de la danse
contemporaine d’Angers (CNDC), dirigé par Emmanuelle Huynh. Elle collabore avec les chorégraphes DD
Dorvillier (A Catalogue of Steps, Diary of an image, Extra Shapes), Emmanuelle Huynh (Tozaï… !), Lenio
Kaklea (Margin Release), Anna Gaiotti (Manèges vs Rbel after my heart), Ana Rita Teodoro (Délirer l’Anatomie)
et avec le plasticien Jocelyn Cottencin (Monumental). Elle fait partie du projet TRANSFABRIK sur les politiques
des programmations en France et en Allemagne, et du laboratoire collectif Emanticipation. Dans son propre
travail chorégraphique, elle s’intéresse sur le seuil de négociation entre autonomie et autorité. Ses pièces
développent des dispositifs qui remettent en question sur l’instant le mécanisme des prises de décisions,
comme une illusion de libre arbitre mise en scène mais qui produit une constante plongée dans l’action, une
illusion de liberté. Ses trois pièces chorégraphiques Manèges, Manèges vs Rbel after Heart, et Sable ont été
présentées en France, en Allemagne et à New-York. En 2015, Katerina Andreou reçoit la bourse Danceweb
pour suivre le festival international ImpulsTanz à Vienne.
Vania Vaneau
Née en 1982 à São Paulo, Brésil, elle se forme à la danse d’abord au Brésil puis à l’école P.A.R.T.S à
Bruxelles. En 2005 participe au programme Danceweb/ Impulstanz. Elle obtient une Licence de Psychologie
à l’Université Paris 8 et suit une formation de Body Mind Centuring. En tant qu’interprète, elle participe
aux créations et reprises de Wim Vandekeybus (2004-2005), Maguy Marin (interprète permanente au CCN
de Rillieux-la-Pape, 2005-2012), David Zambrano (2013), Marcos Simoes/Sara Manente (2014), Jordi Galí
(2014-2015), Yoann Bourgeois (2014-2017), Anne Collod (2015) et Christian Rizzo (2016-2017). En 2014, elle
crée son premier long solo Blanc accompagnée du guitariste Simon Dijoud, pièce récompensée par le prix
Beaumarchais-SACD (Festival Incandescences 2015) et en 2016 Ornement, co-crée avec Anna Massoni.
Son travail se développe au sein de la cie Arrangement Provisoire dont elle partage la direction artistique avec
Jordi Galí. Depuis 2016 et jusqu’a 2018, ils seront artistes associés au CDC Le Pacifique à Grenoble.
Lazarus
Oona met en scène quelque chose d’unique avec cette pièce. Il s’agit d’une représentation concernant un
problème de société, un problème politique, sans traiter grossièrement ni explicitement de ce problème à
proprement parler. Elle adopte un langage corporel, une culture, qui fait partie de sa marque de fabrique en
tant que native de Belfast, qu’elle représente entrecoupé de quelque chose qui ressemble à la divinité. Il s’agit
du langage des rues hostiles, de la peur et de l’agression, un voile fin de vulnérabilité qui dissimule une posture
provocante. Réglé sur une partition de voix masculines en colère, de clameur du docudrame Wee Bastards ?
associées aux accords gentiment épiques de la violence, de l’hédonisme, de la joie et du désespoir des chaînes
Lazarus and the Birds of Paradise, Miserere Mei, Deus d’Allegri, pour transformer le côté piétiné, méprisé et
honni en quelque chose qui procure une certaine béatitude.
Rachel Donnoly, Dublin Dance Festival 2016 Review : tottally Dublin.ie
Lazarus - Une révélation venue d’Irlande
Ce fut comme une apparition : Oona Doherty face public en jogging, t-shirt blanc et chaîne en or. Malgré son
profil de danseuse des rues, sa dégaine hip hop, on ne peut la réduire à un cliché et en huit minutes, elle fait
s’envoler bien des certitudes. La chorégraphe irlandaise mêle les influences pour mieux questionner ce qui fait
nos identités à commencer par la bande son superpose musique religieuse, dont le Miserere d’Allegri aux paroles
d’un documentaire sur les quartiers chauds de Belfast. Dans un moment de voguing, la danseuse reprend non
pas les mouvements de mannequins vus dans des magazines mais ceux de la Vierge, des Saints et des martyrs.
Ces moments comme offrande poétique, spirituelle et politique nous permettent de voir plus loin, au-delà de
nos peurs et stéréotype et de transfigurer la violence.
theatrorama.com
A Kind of Fierce
Bleu, jaune, rouge. Bleu polaire des néons, jaune poussin du sweat, rouge des lèvres. Bleu électrique du
t-shirt, jaune des stries sur les joues, rouge de la férocité. Couleurs primaires. Chorégraphie exemplaire.
Exemplaire de ce que la danse peut en contournant les exemples. Sur la scène du théâtre, la chorégraphe et
danseuse franco-grecque Katerina Andreou présentait A Kind of Fierce, solo d’une quarantaine de minutes
dont l’énergie contenue lui a permis de co-remporter (avec Will Rawls pour The Planet-Eaters : Second) le prix jardin d’Europe, qui récompense l’un des jeunes chorégraphes de la partie [8:tension] de ImPulsTanz – Vienna
International Dance Festival. Une sorte de tension exprimée par une danse en impulsions sur la grande scène de
l’Odeon, ce 8 août 2016.
Une scène sur laquelle deux rangées de néons, parallèles entre elles, parallèles au public, encadrent un micro
suspendu le long d’un fil de plusieurs mètres. Deux baffles sont derrières. Distantes, évidentes. Katerina
Andreou sur scène, ballerines recouvertes de collants noirs, s’échauffe dans un sweat d’un jaune éclatant. Ses
lèvres, minces filets rouges, sont serrées, aspirées par l’effort. Un effort qui se fait au rythme de sa respiration.
La musique est pour plus tard. Pour le public en tout cas, puisqu’elle l’écoute par de discrètes oreillettes. Un
échauffement qui n’est pas celui qui précède la représentation mais qui est inclus dans cette représentation que
Katerina Andreou a construit à partir des danses libres des années 1900, de l’attitude punk rock des années
1970, des soli des drag queens sur youtube, de la danse krump. Une représentation qui se fonde sur un corps
toujours en action, un corps en alerte, entre habilité technique et sabotage des gestes, qui vont toujours d’un
à d’autres. A Kind of Fierce est une réaction à l’apprentissage, une manière de désapprendre, d’apprendre
à désapprendre. La danse libre retient, malgré tout, les danses apprises mais en engendre d’autres par une
naïveté sous contrôle. Il y a un acharnement à sortir en public des gestes qui ne relèveraient pas d’une autorité
extérieure. Partir des couleurs primaires et les mélanger par tâtonnements.
Danser cela dans un théâtre, c’est danser cela avec un public. A Kind of Fierce bouscule les liens aux spectateurs
avec cette danse personnelle en public et cette danse partagée en privé. Katerina Andreou alterne entre
présence et absence pour affirmer une indépendance, sa danse libre. Une danse libre électrique comme son
t-shirt bleu. Électrique comme les stries jaunes qu’elle a sur les joues, comme pour revendiquer le début des
hostilités, avec son background de danseuse, avec ce public à convaincre, avec les terra incognita de la danse
à fouler. Une électricité qui devient férocité lorsque la musique – supervisée par le compositeur Eric Yvelin –
est crachée, le Breakdance de Chevreuil, ou suinte, remix de Because des Beatles, des enceintes que Katerina
Andreou va rapprocher, jusqu’à les coller, l’une à l’autre et au public, avec derrière elle, ce micro qui pend,
comme un punching ball. Un punching ball dans laquelle elle passe ses cheveux, tape son front. Le bruit se
réverbère. La férocité de sa danse, des rythmes qu’elle syncope du début à la fin, soutenue par une musique
de bruits et de fureurs ont fait exploser la scène de l’Odéon avant une première française qui se tiendra au CDC
Atelier de Paris le 4 novembre 2016.
Guillaume Rouleau, Culture.com
A Kind of Fierce
Katerina Andreou entre sur le plateau d’un pas décidé. Deux traits jaune poussin parfaitement assortis à son
sweat, lui barrent les joues. Gainée dans une paire de collants noirs elle est parée, aux aguets et s’engage sur le
sentier du mouvement tous azimuts. Dans une scénographie efficace et minimale, deux rangées de néons blancs
qui circonscrivent un carré d’action, un micro suspendu et deux enceintes qui nous font face, elle prend l’espace,
le quadrille, visite son territoire.
La danseuse déploie un vocabulaire gestuel impressionnant, nourri de motifs répétés, de gestes saccadés,
sitôt lancés sitôt interrompus. Sauts, battements, tours crépitent dans le noir du plateau comme des éclats, des
petites choses précises, accumulées. On y lit des bribes de danse, apprises et digérées, des figures classiques
qui côtoient un répertoire drôle tout en cavalcades et marches en crabe. Le registre rythmique rapide, en
tension, rappelle le récent solo de Marco D’Agostin Everything is Ok qui semble répondre à une même envie :
faire, faire, faire, se lancer dans un déroulé frénétique de mouvements pour contrer quelque chose ou proposer
un autre ordre du monde. On oublie presque de préciser qu’au creux de son oreille, des écouteurs diffusent des
rythmes disruptifs et contradictoires tout au long de la pièce.
Avec A Kind of Fierce rien n’est jamais certain. La proposition désarçonne parce qu’elle s’écrit dans un
renouvellement constant, au rythme des gesticulations mi-maîtrisées mi-intempestives de sa protagoniste
principale. La danse est un matériau brûlant modelé sur l’instant par l’interprète-chorégraphe qui façonne et
défait, ne se fige dans rien.
À un moment, elle saisit deux baguettes de batteur et esquisse des images de figures autoritaires, maîtresse
de ballet ou dresseuse de chevaux, qu’elle érige pour mieux biaiser. On pense d’ailleurs souvent, au gré de
la pièce, à cette discipline équestre qui vise à contenir la fougue de l’animal pour lui inculquer des figures
savantes. Plusieurs fois Katerina Andreou envoie une figure avant de se cabrer pour partir ailleurs, sortir de tout
enfermement. À un autre endroit, elle détache ses cheveux et ouvre, sous des airs de PJ Harvey, une autre ligne
de fuite évoquant le punk rock et le rituel du concert. C’est une des clés du jeu qu’elle s’impose : ébaucher des
carcans pour mieux ruer dedans.
Chez Katerina Andreou, être libre ne passe pas par le lâcher-prise, mais par une capacité à s’auto-surprendre
en permanence. En guise de fin, elle se plante debout sur les enceintes ramenées en bord de scène qui diffusent
du rock à plein tube et son visage s’éclaire enfin, ouvert. Alors on comprend à rebours le trajet complexe qu’elle
vient d’effectuer vers une forme de libération, grâce aux différentes façons d’être « fierce » qu’elle vient de
déplier. Fierce, ce mot puisé dans le vocabulaire du voguing s’emploie à propos de quelqu’un qui en impose par
sa présence forte et pleine. Katerina Andreou, elle, se taille avec ce solo une course d’obstacles, une promenade
intranquille sur le dance-floor où elle n’a besoin de rien imposer pour s’affirmer.
Marie Pons, Mouvement, novembre 2016.
Lazarus and
the Birds of Paradise , présentation
Au son, une balade et une musique vocale qui évoque le sacré. Au centre un encensoir qui déverse sa fumée
dans un cercle éclairé dans le noir. Apparaît Oona Doherty, chorégraphe et interprète, habillée de blanc, une
chaîne dorée autour du cou, tandis que des voix retentissent, se superposant au Miserere Mei, Deus d’Allegri.
La bande-son fera coexister tout au long de ce solo la partition de musique sacrée et des cris, des bruits, des
paroles extraites de Wee bastard ?, docudrama évoquant la délinquance dans les quartiers chauds de Belfast
tandis qu’Oona Doherty puise sa gestuelle dans le hip-hop et le voguing, rappelant les postures provocantes
que prennent les jeunes hommes dans les rues d’Irlande du Nord – d’où elle vient. En mettant côte à côte ces
trois éléments (musique sacrée, sons et gestuelle issus de la rue) très codés et aisément reconnaissables, elle
instaure un dialogue singulier, chaque composante teintant l’autre de sa présence affirmée.
Dans ce premier volet d’une quadrilogie consacrée à sa ville natale (Hard to be soft – A Belfast Prayer in
four parts), Oona Doherty déconstruit ainsi le stéréotype du « jeune des cités », et transforme le langage
de la peur et de l’agression. Elle incite à regarder différemment les figures qu’elle convoque dans une
autre lumière : la dureté sonore et dansée de la rue jointe au Miserere prend une autre dimension poétique, spirituelle et politique.
Lazare et les oiseaux du paradis convie à une forme de résurrection, celle qui passe par le regard, le
mouvement et la possibilité de l’invention de soi.
Texte de présentation des Rencontres chorégraphiques de Seine St-Denis.
Blanc : présentation
Blanc (2014) est un solo de Vania Vaneau accompagnée du guitariste Simon Dijoud. La création a eu comme
point de départ une recherche sur le rituel, la transe et la transformation. La pièce réunit le langage physique,
chorégraphique et une forte composante plastique à travers la fabrication et l’utilisation de divers costumes
et masques. La potentialité du mouvement se conjugue avec une dimension visuelle dans un travail sur la
couleur et en contraste avec le noir et blanc, évoquant une sorte de carnaval ou de cérémonie où sont invités
des figures se situant entre l’humain, l’animal et la nature, appartenant à des lieux et à des temporalités
indéterminées. L’accompagnement musical fait du tout une oeuvre entre la performance, le concert et la pièce
de danse.
Blanc naît du désir d’accéder à un lieu de vertige, explorant les différentes facettes de l’individu, révélant la
foule, le multiple qui habite le singulier, de même que la lumière blanche se compose de toutes les couleurs.
En revenant à certains aspects de la culture brésilienne de laquelle je viens, trois éléments ont nourri ma
recherche : les rituels de transe chamaniques et afro-brésiliens, le travail de l’artiste tropicaliste Hélio Oiticica
et le mouvement artistico-intellectuel des années 1920 dit ‘anthropophagique’ qui proposait la ‘digestion’ des
cultures dominantes (américaine et européenne) et la ‘régurgitation’ d’une troisième forme après le mélange
avec la culture populaire brésilienne. Il m’a semblé intéressant de voir comment ces éléments pouvaient être
approchés par mon regard blanc, européanisé et urbain, dans le contexte de la scène contemporaine et
comment ils seraient transformés dans ce processus.
En considérant les différentes strates physiques et subjectives du corps, l’interprète est placée en tant que
vecteur de son environnement. Comme un filtre, elle est traversée par des flux d’histoires, de cultures, d’états
et d’émotions. En quête d’une extrême porosité du corps et en rapport empathique avec le public, Vania
Vaneau propose un voyage qui va de la matérialité organique à l’hallucination visuelle, du réel au fictif, du
rationnel a l’irrationnel. Le lieu du rituel et la figure du chaman dialoguent avec l’espace du théâtre et le rôle de
l’acteur en tant que médium des forces visibles et invisibles qui le traversent. Le corps est d’un coté « matériel
et périssable », et d’un autre coté « utopique, multiple et infini ». Les métamorphoses se font physiquement
et visuellement de l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur, à travers une danse de vibrations
et de respirations extrêmes et par la superposition des costumes qui comme des multiples peaux, parures ou
vêtements de cérémonie, donnent au corps des sens et des caractères divers. Les travestissements font du
corps ce dont M. Foucault nomme « un fragment d’espace imaginaire qui va communiquer avec l’univers des divinités ou avec l’univers d’autrui » (M.Foucault, Le corps Utopique, 1966).
Telles des sculptures vivantes ou encore, les Parangolés de l’artiste Tropicaliste brésilien Hélio Oiticica,
différentes figures sont révélées, cherchant à délier l’imaginaire et déployer dans l’espace un paysage toujours
en transformation. Notre société blanche, occidentale, étant dominée par la rationalité et les désirs individuels
de possessions matérielles dans une ambiance de compétition sociale, on serait aujourd’hui pour cette
même raison, attirés par une recherche spirituelle avec tout ce qu’elle comporte de fiction et d’illusion d’un
état d’être authentique. La pièce propose ainsi un dialogue entre la culture occidentale contemporaine et les
cultures traditionnelles tribales ou « l’univers du sauvage », dans un double anthropophagisme où l’on ne sait
plus quelle culture mange l’autre. La musique noise expérimentale jouée en live par Simon Dijoud du groupe
Debora Kant, accompagne, ponctue et offre des dissonances et des paysages polysémiques. D’autres sources
sonores font également partie de la bande son comme la superposition de musiques de lieux et époques
diverses créant une sorte d’archéologie sonore.