L’écriture du metteur en scène et auteur portugais Tiago Rodrigues, artiste majeur de la scène théâtrale européenne, se nourrit de son propre vécu, de fragments verbaux issus de répétitions autant que des grandes œuvres de la littérature. Elle entrelace ainsi réel et fiction, fables intimes et drames historiques. Cette saison nous ramène à l’essence de ce théâtre à dimension humaine avec la venue de By Heart, pièce culte du répertoire de Tiago Rodrigues créée en 2013. Le metteur en scène nous y conte l’histoire de sa grand-mère qui, devenue aveugle, lui demande de lui choisir un livre qu’elle pourrait apprendre par cœur. Mais que signifie au juste « apprendre un texte par cœur » ? Et comment se tenir, avec le public, au plus près de cette question, de son urgence, de sa charge ? En conviant chaque soir dix spectateurs à accomplir ce geste, Tiago Rodrigues ne se contente pas de brouiller les frontières entre le théâtre, la fiction et la réalité. Il invite des hommes et des femmes à éprouver, partager, le temps de la représentation, une expérience singulière : celle de retenir un texte et de le dire. Un acte de résistance artistique et politique, tout autant qu’une lutte contre le temps, l’oubli, le vieillissement, contre l’absence et la disparition. Un geste aussi intime que politique. Le public de la scène Espaces Pluriels a déjà eu le bonheur de découvrir Tiago Rodrigues par le biais de son interprétation personnelle du procès de Flaubert, Bovary, et de sa version très épurée d’Antoine et Cléopâtre d’après Shakespeare.
En version française
Production exécutive de la création originale Magda Bizarro, Rita Mendes. Production Teatro Nacional D. Maria II d’après une création originale de la compagnie Mundo Perfeito. Coproduction O Espaço do Tempo, Maria Matos Teatro Municipal. Soutiens Governo de Portugal | DGArtes
L’écriture du metteur en scène et auteur portugais Tiago Rodrigues, artiste majeur de la scène théâtrale européenne, se nourrit de son propre vécu, de fragments verbaux issus de répétitions autant que des grandes œuvres de la littérature. Elle entrelace ainsi réel et fiction, fables intimes et drames historiques. Cette saison nous ramène à l’essence de ce théâtre à dimension humaine avec la venue de By Heart, pièce culte du répertoire de Tiago Rodrigues créée en 2013. Le metteur en scène nous y conte l’histoire de sa grand-mère qui, devenue aveugle, lui demande de lui choisir un livre qu’elle pourrait apprendre par cœur. Mais que signifie au juste « apprendre un texte par cœur » ? Et comment se tenir, avec le public, au plus près de cette question, de son urgence, de sa charge ? En conviant chaque soir dix spectateurs à accomplir ce geste, Tiago Rodrigues ne se contente pas de brouiller les frontières entre le théâtre, la fiction et la réalité. Il invite des hommes et des femmes à éprouver, partager, le temps de la représentation, une expérience singulière : celle de retenir un texte et de le dire. Un acte de résistance artistique et politique, tout autant qu’une lutte contre le temps, l’oubli, le vieillissement, contre l’absence et la disparition. Un geste aussi intime que politique. Le public de la scène Espaces Pluriels a déjà eu le bonheur de découvrir Tiago Rodrigues par le biais de son interprétation personnelle du procès de Flaubert, Bovary, et de sa version très épurée d’Antoine et Cléopâtre d’après Shakespeare.
Écrit et interprété par Tiago Rodrigues / Texte avec extraits et citations de William Shakespeare, Ray Bradbury, George Steiner, Joseph Brodsky / Accessoires et costumes Magda Bizarro / Traduction en français Thomas Resendes / Production exécutive Rita Forjaz / Production exécutive dans la création originale Magda Bizarro, Rita Mendes / Régie André Pato / Crédits photo Magda Bizarro
Tiago Rodrigues
Comédien portugais, Tiago Rodrigues n’a d’abord d’autre ambition que de jouer avec des gens qui voudraient inventer ensemble des spectacles. Sa rencontre avec le tg STAN en 1997, lorsqu’il a 20 ans, marque définitivement son attachement à l’absence de hiérarchie au sein d’un groupe en création. La liberté de jeu et de décision donnée au comédien influencera pour toujours le cours de ses spectacles. Tiago Rodrigues se trouve ainsi plusieurs fois, dès le début de son parcours, dans la position d’initiateur et signe peu à peu des mises en scène et des écritures qui lui « tombent dessus ». Lancé, il écrit parallèlement des scénarios, des articles de presse, des poèmes, des préfaces, des tribunes. En 2003, il fonde avec Magda Bizarro la compagnie Mundo Perfeito au sein de laquelle il crée de nombreux spectacles sans s’installer dans un lieu fixe, devenant l’invité d’institutions nationales et internationales. En France, il présente notamment au Festival d’Avignon en 2015 sa version en portugais d’Antoine et Cléopâtre d’après Shakespeare. By Heart et Bovary sont présentés en 2013 au Théâtre de la Bastille, qui l’invite par la suite à mener une « occupation » du théâtre durant deux mois au printemps 2016. À la tête du Teatro Nacional D. Maria II à Lisbonne depuis trois ans, Tiago Rodrigues conserve une économie de moyens qu’il s’est appropriée comme grammaire personnelle et il devient, à plus large échelle, lanceur de ponts entre villes et entre pays, hôte et promoteur d’un théâtre vivant.
L’amour par coeur / By Heart
Trois cageots de livres. Dix chaises. C’est tout ce dont a besoin Tiago Rodrigues pour faire du théâtre. Et quel théâtre. Rarement on a été si émus par un spectacle visiblement fait de bric et de broc, qui renvoie violemment Thomas Jolly dans ses buts en affirmant haut et fort que non, il n’y a pas besoin de budget pharaonique pour parler aux spectateurs.
« By Heart », c’est une déclaration d’amour à la littérature à travers le sonnet 30 de William Shakespeare, mais aussi à la grand-mère de Tiago Rodrigues, Candida, 93 printemps, passeuse de littérature de la famille. On craignait un peu, sur le papier, l’aspect participatif de la chose, la mode étant en ce moment de mettre à mal le spectateur, de le contraindre, de le pousser dans ses retranchements en lui faisant faire n’importe quoi (on ne citera pas de noms, tout le monde comprendra de qui on parle). Rien de tout ça ici. Les dix spectateurs montant sur scène sont volontaires. Et cela change tout. Les regards moqueurs deviennent admiratifs de ceux qui ont osé se lever pour faire partie de l’armée de Tiago Rodrigues, le « peloton 30 », en hommage aux pelotons de Farenheit 451, apprenant des livres par cœur pour ne pas laisser les textes mourir alors qu’on les brûle.
Entre deux vers du sonnet que le peloton apprend par cœur, Tiago Rodrigues retrace la carte de son territoire littéraire, laisse échapper au passage que la littérature peut être politique plus que n’importe quel discours, et raconte l’histoire de sa grand-mère, si émouvante qu’il serait criminel de la dévoiler à ceux qui iront voir la pièce. Dix chaises et son cœur en bandoulière. Voilà les seules armes de Tiago Rodrigues. On a la mauvaise habitude trouver les pièces trop longues, de regarder sa montre en soufflant en silence, et voilà que celle-ci est trop courte. On n’a pas envie que Rodrigues quitte la scène, on voudrait qu’il nous parle encore de sa grand-mère, de Shakespeare, de Steiner et de Pasternak. On voudrait se coucher dans le théâtre et qu’il nous raconte encore de belles histoires. On n’avait pas été aussi émus au théâtre depuis le dernier spectacle de Julien Cottereau.
i/o, La Gazette des festivals, Audrey Santacroce, le 25 janvier 2016.