Dans un monde où tout s’accélère, où l’infime semble disparaître sous l’immédiateté, Christian Rizzo explore la poésie des gestes du quotidien. Un moment d’apesanteur, entre théâtralité et abstraction, pour entrer dans la pleine allégresse de l’instant.
Être seuls ensemble, se dédier en toute conscience au réel, éprouver pleinement la joie puisée dans la solitude : tel est le beau projet fixé par Christian Rizzo dans sa dernière création. Le plateau sert ici de laboratoire pour observer, dans un temps suspendu, la cohabitation de sept interprètes affairé·e·s à des actions modestes mais chargées de projections allégoriques. L’attention se porte sur les gestes simples qui régissent notre quotidien : se déplacer, saisir un objet, nettoyer une surface… Les danseur·euse·s s’absorbent dans l’exactitude de leurs gestes, glissent dans un mouvement organique qui s’intensifie dans la répétition. La pièce interroge notre relation au réel et à l’invisible, au sein d’un espace scénique mobile fait de rideaux successifs et de cadres mouvants, creusé par les sonorités méditatives de l’orgue. Après sept ans passés à la tête du Centre chorégraphique national de Montpellier, Christian Rizzo revient à sa compagnie, l’Association Fragile, pour réinventer notre rapport au présent. Au croisement de la danse contemporaine, des arts plastiques et de la musique, cette variation sensible sur le vide et le plein nous propose, face au tumulte du monde, un vaste détail à l’ombre duquel trouver refuge. Une accalmie à savourer en ces temps de tempête.
création 2025 / Co-production Espaces Pluriels
En partenariat avec le Parvis Scène Nationale Tarbes Pyrénées

Dans un monde où tout s’accélère, où l’infime semble disparaître sous l’immédiateté, Christian Rizzo explore la poésie des gestes du quotidien. Un moment d’apesanteur, entre théâtralité et abstraction, pour entrer dans la pleine allégresse de l’instant.
Être seuls ensemble, se dédier en toute conscience au réel, éprouver pleinement la joie puisée dans la solitude : tel est le beau projet fixé par Christian Rizzo dans sa dernière création. Le plateau sert ici de laboratoire pour observer, dans un temps suspendu, la cohabitation de sept interprètes affairé·e·s à des actions modestes mais chargées de projections allégoriques. L’attention se porte sur les gestes simples qui régissent notre quotidien : se déplacer, saisir un objet, nettoyer une surface… Les danseur·euse·s s’absorbent dans l’exactitude de leurs gestes, glissent dans un mouvement organique qui s’intensifie dans la répétition. La pièce interroge notre relation au réel et à l’invisible, au sein d’un espace scénique mobile fait de rideaux successifs et de cadres mouvants, creusé par les sonorités méditatives de l’orgue. Après sept ans passés à la tête du Centre chorégraphique national de Montpellier, Christian Rizzo revient à sa compagnie, l’Association Fragile, pour réinventer notre rapport au présent. Au croisement de la danse contemporaine, des arts plastiques et de la musique, cette variation sensible sur le vide et le plein nous propose, face au tumulte du monde, un vaste détail à l’ombre duquel trouver refuge. Une accalmie à savourer en ces temps de tempête.
Christian Rizzo
Avant la danse, Christian Rizzo monte un groupe de rock et une marque de vêtements à Toulouse puis suit une formation en art plastique à la villa Arson à Nice.
Arrivé à Paris en 1986 il rejoint le monde de la mode et le tourbillon créatif de la nuit.
Le hasard des rencontres le mène sur scène.
Autodidacte, il rejoint dès 1990 les chorégraphes et metteurs en scène Jean-Michel Ribes, William Petit, (Place Padovani et Ultima Vez), Mathilde Monnier (Face Nord et Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt), Catherine Anne (Chaines et La ralentie), Hervé Robbe (Factory et Id ), Mark Tompkins (Home, Gravity et comme assistant sur Under my skin), Georges Appaix (Gauche-Droite), Vera Mantero (La chute d’un ego et Poésie et sauvagerie dont il signe également les bandes-son), Catherine Contour (Chambres, Autoportrait avec Vaches et Autoportrait 9x9), Emmanuelle Huynh (Distribution en cours), et Rachid Ouramdane (Les absents ont toujours tort, Au bord des métaphores, + ou – là, et Structure Multifonctions), en trio avec l’artiste Nicolas Floc’h, Alain Buffard (Good 4).
Tout en affirmant son travail d’interprète, il crée Y’là, solo (1997), présente projet-type(s), performance pour 20 participants hommes dans une vitrine en collaboration avec le compositeur Gerome Nox (1998), propose objet dansant n°1 et Hello Dolly au lab7-ginjal à Lisbonne, ainsi qu’une performance avec la designer Laur Meyrieux à la galerie “public“ (Paris, 1999).
Parallèlement, il crée les costumes pour des chorégraphies de Mathilde Monnier, Hervé Robbe, Jean-Marc Eder, Félix Ruckert, Emmanuelle Huynh, Rachid Ouramdane, Vera Mantero, Sylvain Prunenec, Christian Bourigault et Catherine Contour, ainsi que des bandes-son pour certains d’entre eux. Il participe activement durant toutes ces années à des plateformes d’improvisation et performance avec notamment Joao Fiadeiro, Meg Stuart, Alain Platel, Frans Poelstra, Steve Paxton, Lisa Nelson, Simone Forti. Depuis 2002, il enseigne régulièrement en France et à l’étranger au sein d’écoles d’art et d’institutions chorégraphiques. En 2013 il reçoit le prix de la Chorégraphie SACD pour l’ensemble de son travail et en 2014, le Grand Prix danse du Syndicat de la critique pour d’après une histoire vraie. En juillet 2014, il a été nommé “officier des Arts et des Lettres” par le ministère de la Culture et de la Communication. Au 1er janvier 2015, Christian Rizzo prend la direction du Centre chorégraphique national de Montpellier.
À la fin de son mandat de directeur du Centre chorégraphique national de Montpellier, il reprend son travail au sein de sa compagnie, l’association fragile. Il travaille actuellement à la création de sa prochaine pièce de groupe à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête. qui sera créé les 16 et 17 septembre 2025 dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon.
« Au départ d’à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête, il y a une image très prosaïque. Une image que mon regard a sûrement déjà croisée plusieurs fois, puisqu’il s’agit simplement d’une personne en train de faire une action sur une table, peut-être la nettoyer, je ne sais pas vraiment. En revanche, je me souviens qu’elle le fait dans un mouvement extrêmement suspendu, et avec beaucoup d’attention, de concentration, d’application. Le temps que je m’aperçoive de cela, le vent fait claquer la porte de la pièce pour la rouvrir aussitôt : la personne n’est plus là, elle s’est absentée, sans doute requise par autre chose. Mais dans ce moment si bref, dans ce battement, j’ai vu quelque chose de très intéressant : comme une proposition chorégraphique où l’action s’accomplit pour elle-même.
En parallèle, je me suis rendu compte que je regardais avec de plus en plus d’acuité les personnes qui semblaient elles-mêmes déployer un régime d’attention particulier sur des gestes quotidiens. Ce faisant, j’avais l’impression d’être déjà en état de création, de poursuivre des pistes ouvertes dans d’autres pièces. Je pensais avoir bouclé un cycle avec une maison, en son lieu et miramar, mais en réalité, elles forment une queue de comète encore active. Il y a quelque chose qui est encore en suspension et qui me demande de réagir. Dans ce triptyque (ou presque), il y avait la tentative d’appeler un invisible, de lui donner une consistance par l’espace. Mais peut-être que l’invisible est déjà là, qu’il faut l’accueillir, travailler avec.
Pour à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête, j’imagine que le vide, le manque influent sur la composition et donc sur la relation (écrite) entre les interprètes, l’invisible, n’a pas besoin d’être appelé et encore moins comblé. Je fais l’hypothèse d’un groupe de danseurs qui seraient seuls ensemble, comme pour multiplier la joie que l’on peut trouver dans la solitude. Or, pour que la joie advienne, il faut tout d’abord que la solitude transforme notre régime d’attention. C’est à cette condition seulement que les éléments les plus infimes peuvent s’ouvrir sur quelque chose d’immense. Cela pourrait se traduire, peut-être, par la suspension des gestes dans l’espace et dans le temps. C’est une manière de nous délester de la pensée de ce qui vient après coup et, par-là même, d’intensifier la conscience de ce que l’on fait au moment où on le fait.
Dans mon travail, je fais toujours coexister une dimension que l’on pourrait qualifier de « théâtrale » et une recherche d’abstraction. Pour commencer, j’aimerais tenir ces deux dimensions en vis-à-vis, en observation l’une de l’autre, comme l’avers et le revers d’une même médaille. À ce jour, je ne sais pas encore si je vais les combiner. J’ai envie de les considérer comme des matériaux distincts ; que ce soit dans leurs interstices qu’une cohabitation puisse advenir. J’ai en tête des situations très simples : dans un espace commun, on pourrait observer une personne en train de nettoyer une surface et, en parallèle, on verrait une danse très organique, à l’intérieur de laquelle se rejouerait constamment une sorte de système.
Lors de la création de miramar, j’avais expérimenté (puis mis de côté) des états de corps et des formes d’interprétation différents qui me rappellent ce (ceux ?) que je peux observer dans le quotidien. Ce sont des situations que je regarde pour ce qu’elles sont, mais qui, dans le même temps, me donnent à voir quelque chose de beaucoup plus grand, quelque chose dont on observe moins les actions que le mouvement produit. Je tente toujours de ramener du réel dans le fictionnel et vice-versa. Le moindre geste d’une situation hyperréaliste offre un véritable creuset de fiction, d’autant plus lorsqu’il se manifeste sur une scène théâtrale. Dans la durée, le réel ne peut pas nous suffire : il devient comme un miroir insupportable, c’est pourquoi on le comble par du fictionnel. Le quotidien en tant que tel est chez moi constamment chargé de projections allégoriques qui me permettent de l’accueillir, de le rendre viable.
Ce qui m’intéresse, ce sont des questions à la fois formelles et fictionnelles, mais qui concernent le réel de la danse. Car l’écriture chorégraphique a sa propre autonomie : elle devient également une forme de quotidien, elle a sa fonction. Lorsque je regarde des danseurs, j’aime les voir dans le réel de ce qu’ils font : ils ne sont pas en train d’imaginer qu’ils fabriquent autre chose. C’est à mes yeux ce qui leur donne de la puissance et c’est pourquoi je tente de comprendre comment un système de répétition peut devenir quelque chose qui se rejoue sans cesse. Peut-être que pour que les répétitions deviennent nécessaires, pour qu’elles ne se réduisent pas à de simples multiplications, il faut utiliser des formes trouées, chercher les absences. Par exemple, ce que j’aime beaucoup chez Andy Warhol c’est la manière dont la répétition intègre une forme de dégradation ou de disparition : le sujet est toujours là, mais c’est son effacement qui renforce son statut. C’est un peu comme dans l’expérience des boucles musicales : au bout d’un moment, le sujet n’est presque plus un enjeu, ce qui émerge c’est la forme même de la composition.
Ces derniers temps, j’écoute inlassablement A New Sound Of An Old Instrument que Moondog a composé pour des orgues d’églises : j’adore sa sonorité. Or, il se trouve que le groupe Cercueil, que j’avais invité pour créer la musique d’une maison et en son lieu, travaille en ce moment à partir d’enregistrements d’orgues. Je me suis dit qu’il fallait se laisser avoir par les coïncidences ! J’adore ce type de situations où l’on se laisse guider par ce qui apparaît, par les épiphanies. Bien sûr, la création de à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête, se fonde sur des règles, des protocoles, mais j’ai envie de laisser advenir ce qui arrive, d’ouvrir la pièce au hasard des découvertes et des rencontres. Je cherche quelque chose de moins cadré que dans mes pièces précédentes, j’aimerais que tout cela soit suffisamment troué pour pouvoir accueillir ce qui survient.
D’ailleurs, je m’aperçois que ce qui attire de plus en plus mon regard dans les musées, ce ne sont pas tant les sculptures que les poteries. J’observe avec beaucoup d’attention tout ce qui est rond, tout ce qui a quelque chose de central, tous ces objets creusés et dessinés par le vide. Cela revient à se poser la question suivante : quel serait le mouvement initiateur ? Comment travailler un geste susceptible de faire exister un objet en son absence ?
Je crois que je cherche des corps qui seraient affairés à des préoccupations personnelles. Des préoccupations nées du manque, mais qui cohabitent et provoquent la joie d’une solitude mise en commun. Mais il faut garder à l’esprit que tout cela, ce ne sont que des prétextes de démarrage... Je travaille sans aucune image prédéterminée, et surtout sans savoir d’emblée à quoi la pièce pourrait ressembler. Les pensées, les visions hors sol ne me sont d’aucun usage. J’ai besoin d’être en relation avec les danseurs, les lieux et la réalité du travail, même si je peux inventer en amont des espaces potentiels, repérer des mouvements autour de moi.
Pour à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête, j’ai l’impression d’entamer un travail de tissage : les nœuds, l’arrondi des fils s’inscrivent dans une structure orthonormée, mais qui peut devenir enveloppante, mobile, protectrice. Lorsque l’on cherche à s’abriter, à se placer « hors tempête », on pense souvent trouver une protection à l’ombre des grandes choses. Mes études en Histoire de l’Art m’ont appris à quel point le détail nous renseigne sur le tout. J’espère donc que ce « vaste détail » déterminera un espace propice à l’apaisement, à la joie et à la tranquillité. »